L'Évangile d'Astérix

Titre provocateur qui laisserait entendre que le film est mauvais, alors je le dis d’emblée : pas du tout. Cependant, j’ai eu du mal avec le jeu des acteurs secondaires qui se trouve combiné au côté suranné des enregistrement vocaux de l’époque et de leurs voix parfois nasillardes. Le tout mélangé m’a parfois donné cette impression de voir un film "Astérix à Jérusalem" et je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir le sourire face à certains passages.

Le film nous raconte la vie de Jésus de Nazareth de son arrivée à Jérusalem jusqu’à sa crucifixion, laissant donc de côté tout ce qui est relatif à Jean le Baptiste, la rencontre entre Jésus et ses apôtres, etc.

Ceci dit, je vais commencer par les bons points. Visuellement certains plans sont magnifiques, avec un noir et blanc vraiment très beau et des décors peints réussis et grandioses. Il y a des moments vraiment poétiques et prenant, comme la scène où Judas regarde de l’extérieur Jésus boire et manger avec ses disciples après que celui-ci ait dit dit qu'il le trahirait, le tout accentué par une musique très belle. L’ensemble rend bien la situation de Judas tiraillé par ses sentiments, la fois par sa déception, lui qui attendait plus de la part de Jésus, et en même temps par son amour pour lui.

Aussi, le film cherche moins à rendre la vie de Jésus que les réactions qu’il provoque par ses actes et ses paroles, ce qui amène un certain vent de fraîcheur à une histoire connue de toutes et tous, ou au moins partiellement. Alors certes Le Roi des rois de Nicholas Ray faisait plus ou moins la même chose, mais il aura quand même fallu attendre quelques décennies pour retrouver une représentation similaire, ou du moins à ma connaissance.

À l’exception des acteurs secondaires les acteurs principaux jouent bien, mention spéciale à Harry Baur dans le rôle d’Hérode. Je finirai avec la musique, elle aussi réussi avec notamment une reprise, en tout cas partiel, de Dies Iræ lors de la scène de la crucifixion qui fonctionne à la perfection.

Les mauvais points maintenant. Outre les acteurs secondaires, Jean Gabin en Ponce Pilate… je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est mauvais dans son rôle, ou même que le choix en lui-même est discutable, simplement que c’est étrange à voir.

L’acteur qui joue Jésus n’a que très peu de charisme, et son visage semble être celui d’un mort bien avant même que Judas ne le trahissent. Et même si le film, comme dit précédemment, s’attarde moins sur Jésus que sur les autres personnages, le choix reste légèrement décevant tant ses disciples sont tout simplement invisible. Exception faite, évidemment, de Judas à cause de son importance dans l’histoire.

Autre point : la représentation des Juifs. Certes, il faut remettre l’œuvre dans son contexte, mais représenter les Juifs de cette manière dans les années 30 c’est quand même un gros manque de jugeote. Dans un passage du film, après avoir pesté devant Ponce Pilate contre Jésus, un des membres de l’élite juive donne de l’argent à des pauvres, sous-entendu qu’ils ont accepté de crier à leurs côtés uniquement pour des raisons financières du fait de leur position de fauché. D’un côté, cela montrerait que la majorité des Juifs n’ont pas renié Jésus par foi ou parce qu’ils ne le considéraient pas comme fils de Dieu, ou même simplement qu’ils n’avaient rien contre lui. Mais en même temps, quand on sait à quel point les rapports entre les Juifs et l’argent sont le ciment de l’antisémitisme moderne… Bref, je ne sais pas trop quoi penser de cette manière de les représenter, que je qualifierai après un premier et seul visionnage d’hasardeux et de critiquable.

En conclusion, sans être un chef-d'œuvre, le film est bon et offre une vision plus terre à terre des Évangiles, s’écartant de Jésus lui-même et de ses miracles pour mieux mettre en évidence les autres personnages. Il possède de vrais moments de poésies et un côté vieillot qui n’est pas sans lui apporter un charme, surtout quand c’est couplé comme ici avec un certain gigantisme.

Dans tous les cas, il est loin d’être le pire film qui traite de ce sujet, même s’il n’est pas le meilleur non plus. Il vaut le détour ne serait-ce que pour sa beauté plastique, sa musique, son traitement relativement inhabituel des Évangiles, Jean Gabin en jupette ou encore la calvitie de Judas.