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Difficile de parler d'un film qui nous touche aussi personnellement. J'aime le film Dragon Inn et toute la tendance Wu Xia Pian qui en découle. Pionnier du genre et film le plus populaire de King Hu, Dragon Inn révolutionne le film de sabre par sa mise en scène méticuleuse et inventive, qui délaisse le scénario à son détriment. Il fait par belle au contemplatif. Hou Hsia Sien vénère King Hu et revendique son influence. Lorsque l'on est fan de ce type de cinéma, il est difficile de rester insensible à Goodbye, Dragon Inn, qui est une lettre d'amour en même temps d'être une lettre d'adieu, à un cinéma qui se meurt.

Cette salle est vide, du moins presque, et cette séance est la dernière. Le film tient sur rien, mais ce rien est d'une richesse absolue. Je ne peux que m'émouvoir à la vue de Shih Chun et Miao Tian, dans cette salle de cinéma, quasiment seule, regardant avec nostalgie leurs interprétations respectives dans le film Dragon Inn. Ils se souviennent pas simplement du tournage, mais d'une époque entière. Ils ont vieilli, ne jouent plus, ils sont simplement des spectateurs du passé, terrifiés par le présent.

Le film est fataliste, nous savons que c'est la dernière séance de Dragon Inn, mais aussi de ce cinéma, et à la vue du nombre réduit de personnes dans cette salle, nous en déduisons que le public n'estime plus le septieme art. La fin est "déjà" arrivée au début de cette séance, mais la "vraie" fin est proche. Et c'est dans cette espace infime de temps qui sépare le début de la fin de la séance, que se déroule la mort définitive d'un cinéma mélangée à une nostalgie qui fait vivre. Qu'existe-t-il de pire que la mort du cinéma ? La non-existence. Ici, ce n'est heureusement pas le cas, et c'est ce qui est merveilleux au sein du film.

Cette lenteur propre au réalisateur nous fait ressentir la vitesse du moment. A plusieurs reprises au cours de son film, Tsai Ming-Liang nous montre l'écran projettant Dragon Inn, je voyais petit à petit le film s'écouler devant mes yeux, je sentais la fin approcher, comme ces deux acteurs nostalgiques. Même lorsque l'on se trouve dans une pièce à proximité de la salle, on entend le son du film, rien arrête le temps qui passe. D'ailleurs l'absence de musique extradiégétique renforce le côté profondément intime de l'oeuvre, aucun artifice, juste un naturalisme qui fait mal mais qui conforte.

Le réalisateur nous prend par la main, nous accompagne dans cette salle obscure et nous parle, pas avec des mots, mais avec de longs plans qui créent une continuité, du réel, et qui sont vecteurs de sensibilité.

Le personnel du cinéma aussi vit la fermeture du cinéma d'un oeil sensible. Le dernier tour dans la salle de cinéma par la dame des tickets est déchirant, dans un plan fixe de plusieurs minute, nous vivons les derniers instants dans une salle de ce cinéma, nous ne voulons pas passer à autre chose, tout comme les acteurs de Dragon Inn qui ne souhaitent pas partir instantanément après la séance, et comme cette dernière qui a passé tant de temps dans ce cinéma. D'ailleurs cette jeune femme tentera de retrouver le projectionniste à travers ce cinéma, pour partager un biscuit chinois (fortune cookies) avec lui. En plus d'être sa dernière chance de tisser un lien affectif avec lui, l'intérieur de ce biscuit révèlera peut être un message positif ? Qui sait ?

Ce mêle à cette nostalgie une ambiance quasi-fantastique par instant, avec cet immeuble délabré et hanté. Il semble bien plus ancien que les débuts du cinéma, cela renforce le côté "souvenirs enfouis et datés", et donc participe à l'émotion qui naîtra lors de ce film. L’immeuble a beau être hanté, l’effroi ne nait jamais, ce sont les souvenirs qui prennent vie, et non pas des esprits « frappeurs ». Les couloirs ont l'air très étroit, le cinéma plutôt petit, ce qui accentue le côté intime du lieu et vient décupler l'état mélancolique du spectateur.

Ce film n'est pas une simple mémoire d'un type précis de cinéma, mais bien plus encore, cette lente séance ravivra en vous des souvenirs qui vous sont chers, certains oubliés, d'autres éternels.

Splendide.

Créée

le 28 févr. 2023

Critique lue 150 fois

7 j'aime

Paul SAHAKIAN

Écrit par

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7

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