Grave est un film qui prend aux tripes.
Plongée dans ce qui ressemble pour moi à l'enfer sur Terre (première année d'internat dans une école de vétérinaire), Justine est une des bizus de la nouvelle promotion. Sa sœur étant quelques années au dessus, la valse des bizutages à la mode de Caen commence pour la nouvelle. Issue d'une famille de vétos végétariens, Justine à du mal à s'adapter et deviens de plus en plus "folle" vis à vis de sa relation avec la viande.


Je ne vais pas spoiler l'histoire qui est une longue descente dans les limites floues de la différence humains/animaux où les codes moraux sont ré-interrogés. Mais que reste-t-il de ce film une fois le générique passé ?


LE GOUT DU SANG


Quel sujet ! Impossible de ne pas penser à David Cronenberg et à son fils devant ce spectacle. La carnation, le travail du corps, de ses limites et de sa frontière... Cette façon de montrer la prédation, la chasse ou encore cette animalité est sans conteste héritière des bodies horrors qui nous ont fait frémir et dégouter à la fois. Écœurant, limite vomitif, nous sommes plongé dans ce cauchemar où tout nous bouscule et nous dérange. Les cadavres d'animaux s'ouvrent, les humains saignent. La mise en scène de l'angoisse et du dégout est excellente, mais hélas, il manque la fascination. Là où ça aurait touché le génie d'autres films, c'est que l'on aimerait la comprendre et partager avec elle son nouvel amour pour le sang. On reste du côté extérieur. On n'a jamais envie qu'elle croque, on le redoute. Et c'est bien dommage qu'au malaise viscéral ne s'ajoute pas un malaise moral. J'aimerais me sentir mal parce que je la soutiens et que j'ai envie qu'elle poursuive sa voie. Mais non, on reste aux portes de son esprit, obligé de regarder la réalisatrice filmer sa petite culotte et ses poils pubiens plutôt que nous enfermer dans son cerveau.


Il faut quand même signaler l'incroyable performance de l'actrice principale. C'est juste excellent, qu'on lui file des rôles par milliers et qu'on lui donne les prix qu'elle mérite ! Elle est toujours juste, toujours puissante et toujours parfaite.


HÉTÉRO-GÈNE


Le principal défaut du film, c'est l'hétérogénéité du film. D'une scène à l'autre on passe du brillant au passable. Que ce soit sur la mise en scène, le son ou le découpage, des maladresses s'accumulent selon les scènes et on se retrouve parfois devant des moments gênants. On est presque sur le registre d'une séquence sur deux. Ça donne au film cette impression de ne pas savoir sur quel pied danser: sérieux et viscéral ou étudiant et téléfilm ?


Comme la scène de la crise d'angoisse sous les draps, d'une rare puissance et d'un brio certain. Suivit juste après d'une séquence avec sa sœur jouant aux jeux vidéos d'une mollesse et d'une banalité incroyablement désespérante. Je ne parlerais même pas de la scène finale, filmée carrément avec les pieds contrairement à la scène d'ouverture qui est excellente.


J'ai aussi beaucoup de mal avec la représentation de l'homosexualité. Ça ne m'avait pas choqué plus que ça, mais en sortant du film mon amoureuse m'a ouvert les yeux: le personnage gay n'est que sexuel. On ne le voit qu'à travers le prisme de sa sexualité (masturbation, fellation, porno, etc...) et s'il devient une proie, c'est aussi une proie sexuelle. C'est quand même pas très fin et un peu limité. C'est quand même la deuxième phrase qu'il prononce dans le film !


Le film oscille et n'arrive jamais à être aussi puissant et important qu'il cherche à être. Il reste bien et je le recommande, mais ses défauts l'empêchent de se hisser à la hauteur des films qui l'inspirent. Bien tenté, j'applaudis l'effort et le courage cependant c'est pas le chef d’œuvre que le sujet mérite.


EDIT- J'ai enlevé un point par rapport à ma note initiale

Augustin-Prophè
6

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2017

Créée

le 15 mars 2017

Critique lue 544 fois

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