Que ceux et celles qui n'apprécient guère ce genre cinématographique ne se fassent surtout pas une fausse idée : "Guy de Maupassant" n'est pas une biographie filmée. Non, ce qui intéressait l'auteur de films aussi peu convenus que "Elise ou la vraie vie", "Les violons du bal" ou encore "Le pull-over rouge" était de traduire en images les dernières années de l'existence d'un écrivain hors du commun.
Avec, à la clé, un budget du même ordre d'idée : colossal pour l'époque de production.
Film visionné, alors ? Pari qui valait le coup d'être tenté... Et pari gagné !
Cette oeuvre est incontestablement l'une des plus marquantes de la carrière de Michel Drach.
Si l'on ne connaît rien de Maupassant, le film est une véritable et stupéfiante révélation. On découvre l'écrivain à la fin de sa vie. Il a 43 ans et, à son actif, une prodigieuse production littéraire : 7 romans (dont "Bel ami") ; plus de 250 contes et nouvelles ; plusieurs recueils de poèmes.
Mais c'est l'homme diminué que l'on côtoie.
Diminué physiquement : au terme d'une vie au cours de laquelle il a goûté à toutes les formes de débauche, le voilà rongé par une "maladie honteuse".
Diminué mentalement : non seulement il n'arrive plus à écrire une ligne, mais il sombre lentement, inexorablement, dans la folie. Il est est même à se droguer à l'éther !
Au cours de ses rares moments de lucidité, il revisite son passé, revit certaines rencontres phares (Flaubert, Proust, Zola...). On le suit pas à pas sur le lent et douloureux chemin vers sa mort.
Michel Drach s'est expliqué ainsi dans une interview : "Maupassant, c'est une vieille passion. Je voulais raconter la vie d'un Don Juan, d'un homme entouré par les femmes, mais qui connaît cependant une immense solitude...".
Maupassant, ou la tragédie d'un homme génial, donc au-delà de tout ridicule !
Surtout, Michel Drach rêvait de diriger Claude Brasseur, le considérant comme l'un des acteurs les plus accomplis de sa génération. Et l'interprétation qu'il développe dans le film est tout bonnement époustouflante. Selon l'expression parlante, il crève l'écran ! De quoi, accessoirement, apporter un démenti cinglant à ceux l'accusant trop hâtivement et trop facilement de reprendre à son compte les tics de son illustre père (Pierre).
Et il y a le reste de la distribution. Excusez du peu : Simone Signoret (mère de l'écrivain) ; Daniel Gélin (son père) ; Jacques Fabri (son médecin) ; et surtout, Jean Carmet. Dans le rôle pourtant assez effacé du secrétaire-confident, ce "grand" acteur trop longtemps mésestimé donne la pleine mesure de sa large palette de jeu. Tout passe dans des silences on ne peut plus expressifs, des paroles murmurées avec juste l'intonation parfaite, des attitudes a priori spontanées mais qui traduisent en fait un travail en profondeur du scénario.
La seule réserve que l'on peut émettre concerne, paradoxalement, à contre-coeur, Miou-Miou. En amie-amante, elle paraît comme déphasée, pas à sa place. Les personnages contemporains lui conviennent manifestement mieux...
Un film à (re)découvrir, soit-dit en (maux)passant !