S’il fallait nommer un hériter à Street Trash, ce serai probablement Hobo With a Shotgun, un film trash, bête et méchant réalisé dans le cadre de l’anthologie Grindhouse initié par le duo Rodriguez-Tarantino en hommage aux bandes d’exploitations outrancières des années 70. Suite à un concours lancé aux réalisateurs, Jason Eisener fût l’heureux vainqueur à pouvoir porter sa fausse bande annonce en version longue, mais si les blagues les plus courtes sont les meilleures, quant est-il de ce vigilante movie avec Rutger Hauer ? S’il fallait s’en convaincre, le scénario ne vole pas plus haut que la crasse d’un caniveau. Un sans-abri débarque dans une ville sans foi ni loi régie par un despote et ses fils dégénérés mentaux. On se croirait débarquer dans le ghetto d’un univers déjanté type Troma où ne peut régner que l’éternel loi du plus fort. Les dealers côtoient les camés à chaque coin de rue, le père noël de la localité est un pédophile qui kidnappe des enfants, les proxénètes agissent impunément sous la protection d’une police corrompu et le maire est une ordure. Les indésirables sont décapités en place public tandis que les pétasses de service se déhanchent sous des geysers de sang. C’est le feu et l’anarchie et les opportunités de faire de l’argent sale sont légions, il suffit de se faire casser les dents ou bien de manger du verre pilé sous les yeux d’un caméraman sadique. Aussi le clochard qui espérait lancer une activité de paysagiste devra se lancer à contre volonté dans la dératisation en menant la révolution avec du plomb. Rien de tel qu’un clodo pour faire le ménage.
Non content de ressusciter un acteur de légende, le film de Jason Eisener va loin, très loin dans le politiquement incorrect pour racoler tous les bisseux de la banlieue. On éclate des têtes à coup d’auto-tamponneuses, on torture des prostituées, on brûle des écoliers. La chienlit a envahi tout le quartier et ne pourra s’éradiquer que par le feu nourri d’un fusil acheté chez le quincailler pour 50 malheureux dollars. Hopetown est bien le théâtre de la misère et de la cruauté humaine, la ville méritait donc bien un héros de la trempe de Rutger Hauer pour défendre les habitants et délivrer l’ordre et la morale à coup de chevrotine et de tondeuse à lame. Face à l’oppression des maudits rejetons du maire, le SDF va rapidement faire la une des journaux avant de lutter aux côtés d’une prostituée pour contrecarrer les plans de deux chevaliers au service de la dépravation et du mal. Jason Eisener s’en donne à coeur joie, on parle quand même d’esclavagisme sexuel, de viole de femmes et d’enfants ou bien de torture et de meurtre c’est même à se demander si le réalisateur a déjà entendu parler de la notion de crime contre l’humanité. Inutile pour autant de s’offusquer tant le film donne dans la surenchère de gags immodérés. L’accumulation de tripes, de démembrement et de sang finira néanmoins par donner la nausée aux plus hardcore des amateurs de divertissement dépravés.
Et comme il ne suffit pas d’employer des filtres pour salir une image produite avec des moyens Hollywoodien, Hobo with a Shotgun emploi son média comme il le faudrait dans pareil cas et à la différence notable de Machete. L’image est saturé, les couleurs très contrastés et les éclairages aux néons ont le mérite de donner un cachet rétro typé années 80 en plus de renforcer l’aspect poisseux d’un film qui se veut le plus trash et licencieux possible, d’ailleurs l’atmosphère comme la mise en scène foutent globalement le malaise. L’utilisation de musique synthé et de morceaux tel que Disco Inferno durant la crémation d’un bus scolaire fait basculer le récit dans l’hystérie hallucinatoire. Peut-être est-ce là aussi les limites que se fixe le long-métrage puisque le contexte surréaliste casi post-apocalyptique du récit limite finalement la portée des exactions perpétrés, dès lors que tout semble permis. Même si en dépit de l’absurde qui anime l’entreprise, le tout est traité frontalement au premier degrés et forme un univers finalement bien plus cohérent que celui de Robert Rodriguez qui aura mutilé son long-métrage pour se plier à des critères marketing afin de plaire au plus grand nombre. C’est justement dans ces débordements, cette liberté de ton, de s’affranchir de toute morale et de subvertir la réalité que réside l’esprit des films d’exploitations, ce qu’avait d’ailleurs parfaitement compris Roy Frumkes en son temps lors de l’écriture de son scénario qu’il fît réaliser par son élève Jim Muro. Pour toutes ces raisons, Hobo With a Shotgun est bien le fils de prédilection du saint des saints Street Trash. Les caniveaux aussi ont besoin de héros. Pour ma part, j’en ai définitivement fini de ramasser la merde des gens.