Après les intrigants et radicaux "Antiviral" et "Possessor", le fiston Cronenberg continue de tracer un sillon singulier. "Infinity Pool" est un film vicieux, qui s'emploie sans cesse à ne pas aller là où on l'attend. On pense d'abord a de l'horreur touristique, avec cet écrivain en mal d'inspiration en vacances au sein d'un complexe de luxe aux traditions loufoques et puis en fait, non. Notre écrivain rencontre un petit groupe d'autres touristes et s'offre une excursion interdite hors des limites du complexe, renverse un autochtone, fuient les lieux du crime... Le lendemain, la police frappe à sa porte de chambre et l'arrête. On lui explique que l'homicide, même par accident, est puni de la peine de mort et c'est que c'est aux enfants du défunt de se charger de la mise à mort. Mais comme il est un touriste fortuné, il a droit à un traitement de faveur : moyennant une certaine somme, un double de lui sera créé spécialement pour l'occasion et sera exécuté à sa place. Mais il doit assister à la mise à mort.
C'est ici que le film bascule : quelque chose s'éveille chez notre écrivain à la fois horrifié et fasciné d'observer sa propre mort. On y parle de la perte d'identité, sous tendue par cette question cruciale "qu'est ce qui prouve que c'est bien le double qui a été tué et l'original qui a survécu et pas l'inverse?" puisque le double possède tous les souvenirs de son modèle original, la question est vertigineuse et horrible. Et notre personnage principal découvre que ses nouveaux amis sont déjà au courant de cette pratique dont ils abusent à loisir. Sans la menace de la sanction, ces touristes friqués s'adonnent à tous les vices possibles et ne sont jamais punis, sombrant dans une décadence qui contamine peu à peu James.
Dommage que la seconde moitié privilégie la forme au fond, ne racontant rien de plus mais s'orientant plutôt du côté du trip infernal et psychédélique (cette scène de sexe sous filtres colorés), notre pauvre personnage principal étant entraîné dans une spirale de violence hédoniste. Reste qu'en ces temps où les prods horrifiques ont tendance à tous se ressembler, Infinity Pool confirme le talent du fils de Cronenberg et sa volonté de s'écarter du tout venant. Il faudrait juste qu'il apprenne à canaliser son trop plein d'idées.