Je ne l'avais pas vu avant, enfant, je n'ai donc pas été marqué et n'ai pu avoir de souvenirs trahis. Démarrant le film, je ne m'attendais même à rien, ni la guerre, ni la mort.
C'est ainsi que naïvement pensant tomber sur un film traitant du thème de la confrontation de l'univers de l'enfance avec celui rigide des adultes, je chutais dans l'horreur en cinq minutes avec cette terrible scène initiale, violence morale rarement eue devant un film. A en vomir. Le film avait commencé et ça a continué.
Qu'est-ce que c'est que ce film ? C'est quoi ce cauchemar ?
Plongée dans l'inhumanité, digne d'une oeuvre japonaise sans pitié...

Tout démarre par cette population sur la route, peuple affolé, file de fourmis fuyant l'écrasement militaire de ses lignes, pour arriver à une enfant qui n'a plus rien, à part le cadavre de son chien entre les mains auquel elle se raccroche, face à l'incompréhension de la mort, dont elle se sait que faire. L'atrocité descendra peu à peu avec la rencontre de la famille d'accueil où l'on découvre Michel et son monde, parenthèse qui durera presque jusqu'à la fin du film.

On peut reprocher au film d'être inégal avec une première approche, déjà décrite, insoutenable moralement, qui s'oriente vers une vision caricaturale, voire humoristique, de la France profonde, bouseuse, à l'intelligence amputée, aux guerres de voisinages absurdes (avec une scène digne d'un Kusturica dans la fosse), et enfin, par une fin en rupture et même rapide.
Mais en même temps René Clément aurait-il pu continuer sans calmer le jeu de cette descente insoutenable? Pouvait-on avoir une fin moins abrupte, quand le thème est la perte, l'arrachement ? Peut-il avoir une approche plus douce de l'irrrationnalité de la mort, la guerre ? Limite du logos face à l'évidence, le constat...

Parlons des qualités aussi, ce jeu d'enfants, magnifique et impeccable (comment est-ce possible d'aussi bien filmer des enfants ? de les faire jouer des situations pareilles, de capter cette innocence, simplicité, malice ?)
Parlons aussi de ces détails magnifiques, de ces bêtes et insectes que l'on croise et qui comme les hommes peuvent être anéantis d'un coup de pouce, présences fragiles et éphémères.

Et enfin comment s'endormir avec ces "Michel" qui comme un froid humide peut nous atteindre jusqu'au fond, bravant toutes les couches de résistances affectives...

Jeux interdits a la grandeur des films qui offrent de purs moments visuels, magnifiques et qui jettent une lumière sans artifice sur l'humanité.







Ochazuke

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