Avec Jules César, Joseph L. Mankiewicz signe sa douzième réalisation et il n'a déjà plus grand-chose à prouver après avoir obtenu divers succès et oscars majeurs (mise en scène, scénario et film), notamment avec Eve et Chaînes Conjugales. Ici il adapte la pièce de Shakespeare, nous emmenant directement lors du règne de Jules César alors qu'il était déjà "dictateur" de Rome et surtout contesté par des sénateurs qui projettent de l'assassiner.


Mankiewicz met très vite en place le contexte de l'histoire avec un César accueilli en héros à Rome et surtout des sénateurs qui commencent à le considérer comme une menace pour la capitale de l'Italie. Il met en place une atmosphère de soupçons et de complots rendu compliqués tant César est populaire, mais aussi aveuglé par cette foule ainsi que la haute estime qu'il a de lui-même. Mankiewicz présente assez vite les personnages qui prendront peu à peu une place importante dans le récit, que ce soit le sénateur Cassius qui va devenir le cerveau du complot, le noble Brutus qui se voit tiraillé entre l'estime qu'il a pour César et le fait que ce dernier ne rend pas service à Rome ou encore Marc-Antoine qui lui prendra de plus en plus d'importance dans le récit.


Là où le film est génial, c'est dans la façon dont Mankiewicz orchestre son récit et maîtrise toutes les facettes de ce drame Shakespearien. Il aborde tous les thèmes chers au dramaturge anglais allant de la folie des hommes (ici la soif du pouvoir et l'accession au plein-pouvoir) et de la tragédie qui s'ensuit au mauvais présage comme en témoignent les paroles du devin à César en début de film. Mais Mankiewicz profite de ce péplum pour aborder bien d'autres thèmes tels que la manipulation des foules avec une population qui est d'abord aux pieds de César puis, suite à sa mort, prêt à faire de n'importe quel orateur son sauveur et à lui construite une statue, tout en insultant César. C'est notamment à travers l'hallucinant discours de Brutus suite à la mort de César qui sera suivi par celui ironique mais ô combien génial et hypnotisant de Marc-Antoine qui lui aussi est capable de retourner l'opinion de cette foule, qu'il montre cela. Mankiewicz donne de la profondeur et de la consistance aux personnages et enjeux mais sans lourdeur, en rendant son oeuvre passionnante de bout en bout.


Sa mise en scène est volontairement très théâtrale et c'est un choix adéquat vu sa maîtrise et la qualité d'écriture, que ce soit pour le scénario, les personnages ou les dialogues qui sonnent toujours très juste et qui rythment le film. La caméra de Mankiewicz est toujours fluide, il use notamment de plans sur les visages pour mieux cerner le caractère des personnages. Son utilisation des contrastes du noir et blanc est aussi très bonne tandis que son oeuvre bénéficie d'une très belle reconstitution qui va bien avec cette photographie. Marlon Brando est magnétique à souhait, d'abord discret, il se fait de plus en plus présent lorsqu'on avance dans le récit. En face de lui, James Mason prouve à nouveau quel brillant acteur il était en livrant une composition juste et sobre où il retranscrit son dilemme moral entre son amitié pour César et son amour de Rome.


Joseph L. Mankiewicz propose avec Jules César une relecture théâtrale de Shakespeare qui s'avère aussi passionnante que brillante, que ce soit par ses thèmes abordés, sa mise en scène, ses interprétations, un immense Marlon Brando en tête, ou encore son écriture.

Docteur_Jivago
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes All About... Joseph L. Mankiewicz, 111 pour l'éternité, Mes Années 1950 au cinéma, Les meilleurs péplums et Les meilleurs films de Joseph L. Mankiewicz

Créée

le 16 déc. 2016

Critique lue 830 fois

25 j'aime

8 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 830 fois

25
8

D'autres avis sur Jules César

Jules César
Alexis_Bourdesien
9

Petite leçon de cuisine cinématographique par tonton Manki

Réalisateurs en panne d’inspiration ? Ne cherchez plus, arrêtez de ruminer dans votre coin, et venez apprendre la méthode Mankiewicz tout en douceur. La recette est simple : une histoire puissante et...

le 15 oct. 2014

42 j'aime

20

Jules César
drélium
8

"Un lâche meurt souvent avant de mourir, un brave ne goûte à la mort qu'une fois"

Une chose est sûre, on en fait plus des comme ça. Comment imaginer un tel flot de dialogues aujourd'hui, comment surtout imaginer des protagonistes se parlant longuement à eux-même, seuls et à voix...

le 8 janv. 2011

33 j'aime

7

Jules César
Docteur_Jivago
9

Friends, Romans, and countrymen

Avec Jules César, Joseph L. Mankiewicz signe sa douzième réalisation et il n'a déjà plus grand-chose à prouver après avoir obtenu divers succès et oscars majeurs (mise en scène, scénario et film),...

le 16 déc. 2016

25 j'aime

8

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

170 j'aime

32

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

156 j'aime

43

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

151 j'aime

34