Kubo et l'Armure magique
7.3
Kubo et l'Armure magique

Long-métrage d'animation de Travis Knight (2016)

Avec Kubo and the Two Strings, le studio Laika signe sa quatrième et clairement sa plus ambitieuse production à ce jour. Réalisé par Travis Knight qui vient faire ses premières armes dans le domaine, le film a la folle intention de mélanger le moderne du cinéma d’animation avec l’utilisation de maquettes et marionnettes pour y injecter une dose de old school. La majorité de l’oeuvre est donc construite à la main et tournée en stop motion avec quelques rajouts d’effets spéciaux ici et là pour offrir un rendu encore plus authentique et enchanteur. Alors qu’on est dans une époque où il est possible de quasiment tout faire avec un ordinateur, il est admirable de voir ses concepteurs éviter la facilité au profit d’un travail plus gargantuesque et compliqué mais qui se révèle indéniablement payant. Kubo est visuellement une merveille. Une prouesse qui se fait parfois trop rare et qui vient mettre au pas une grande partie de la concurrence en terme d’animation. On plonge dans un univers bariolé et majestueux qui sert parfaitement une aventure toute en finesse et sincérité et qui s’impose comme une des œuvres de l’année.


Pourtant, sur son aspect narratif, le film ne dispose que de peu de surprises et se montre même assez attendu. On est dans un récit initiatique des plus classiques où le héros devra apprendre à s’accepter mais aussi à se surpasser. Les révélations sont un peu trop téléphonées et parfois le tout à un rythme un peu trop toussotant, Kubo ayant tendance à ralentir quand il devrait aller de l’avant ou à l’inverse, accélérer quand il devrait prendre son temps. Néanmoins, même si ces quelques défauts empêchent le long métrage de prétendre au chef d’œuvre, ils n’égratignent que très peu son excellence, car en dessous de sa narration se cache un cœur passionnant qui parle avec une justesse effarante du deuil, de la transmission et de l’identité. Plaçant toute l’articulation du récit autour de la mémoire, le film parle de l’importance de se souvenir de ses origines pour mieux les transcender, de se souvenir de ses erreurs pour ne pas les recommencer encore et encore. A ce niveau là, l’œuvre refuse toute concession et n’hésite pas à faire preuve de noirceur et de radicalité, le tout étant difficilement accessible pour les plus petits par moments. Même s’il s’enrobe d’humour bon enfant et feint parfois la naïveté, il ne perd jamais de vue la mélancolie et la sincérité de son propos osant même un final loin de la morale hollywoodienne et qui brille par son aspect très humble. Il ne cherche jamais à être compliqué dans son récit, mais il arrive à être complexe dans les sentiments qu’il aborde et dans le message qu’il essaie de faire passer. Plus que d’éduquer son personnage principal, le film tente aussi d’éduquer son spectateur avec intelligence et lucidité, élevant ce Kubo au dessus des récents films destinés à la jeunesse.


Les personnages sont assez universels et ne sont ni très originaux ni vraiment mémorables mais ils sont servis par un casting impliqué et talentueux. On retiendra surtout la performance vocale à contre-emploi de Matthew McConaughey, qui est assez hilarante. Rooney Mara est vraiment glaçante dans le rôle des sœurs maléfiques tandis que Art Parkinson incarne avec conviction le jeune héros, Kubo. Mais ici, c’est vraiment dans la manière de mettre en scène ses personnages que le film brille. Il ne se laisse jamais limiter par le fait que ce sont des marionnettes, à tel point que parfois on se pose sincèrement la question de savoir comment ils ont fait tel ou tel passage. La mise en scène de Travis Knight se montre fluide et élégante dans les scènes d’actions, arrivant vraiment à distiller un sens de l’épique assez admirable. Rares sont les films d’animations vraiment capables d’offrir de tels frissons à son audience. Lors des moments plus calmes, on remarque l’aspect saccadé des personnages mais cela donne un charme non négligeable à l’œuvre qui apparaît peut être plus imparfaite mais ô combien plus authentique, surtout que la caméra sait toujours où se placer pour leurs donner un côté majestueux. La direction artistique directement inspirée de la mythologie japonaise est fabuleuse, faisant voyager à merveille son spectateur, et le film peut aussi compter sur une musique envoûtante et une superbe reprise de « While My Guitar Gently Weeps » de George Harrison par la sublime voix de Regina Spektor.


Kubo and the Two Strings est un excellent film d’animation qui pousse à la rêverie et à la créativité. C’est une œuvre magnifique sur la tolérance, le pardon et le deuil qui s’impose par sa noirceur et son jusqu’au-boutisme, évitant les pièges du cinéma hollywoodien pour offrir une aventure sincère, majestueuse et mélancolique. Il est difficile de ne pas être touché par ce message tout en finesse et d’être impressionné par le travail phénoménal des personnes qui ont œuvré sur ce film. Même si le tout est légèrement handicapé par un récit classique et déjà vu, c’est dans son cœur que l’ensemble nous émeut surtout qu’il est servi à la perfection par un casting vocal impeccable et une réalisation de toute beauté. Travis Knight est un metteur en scène qui a du talent à revendre et qu’il faudra probablement suivre de près.


Ma critique sur cineseries-mag.fr

Frédéric_Perrinot
9

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Créée

le 26 sept. 2016

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Flaw 70

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