Chaque film visionné de Richard Fleischer m'a fait passer un bon moment. Ce que j'aime chez lui est sa volonté de parler des tabous, de sujets qui fâchent ou qui mettent mal à l'aise. Jusqu'à ce jour, L'Etrangleur de Boston était ce que je considérais comme son travail le plus abouti mais c'est très récemment que j'ai eu vent de l'existence de "L'Etrangleur de Rillington Place". Décidément, ce petit Fleischer a un petit faible avec les étrangleurs. Aussi étonnant que cela puisse paraître, on tient là un film oublié pour on ne sait quelle raison, probablement éclipsé par le tueur de Boston. Et pourtant... Et pourtant je me vois bien forcé de dire que je tiens désormais mon numéro 1 de l'artiste qui le restera à n'en point douter et ce contre toute attente.


Ce film va donc raconter l'histoire de John Christie, tueur en série anglais qui a sévi entre les années 40 et 50, ciblant des femmes qu'il amadouait pour les endormir, les étrangler avec en cerise sur le gâteau un viol post mortem (que l'on peut appeler nécrophilie). Inutile de dire que ce n'est pas le genre de chose que l'on regardera en famille un samedi soir avec les enfants et pourquoi pas les grands-parents. TOUTEFOIS, gare à ne pas voir en "10 Rillington Place" (dans sa version originale) un vulgaire torture porn ou bidule horrifique sensationnaliste. Fleischer est à la caméra et c'est un professionnel, donc il a conscience que verser dans le racoleur pourrait saborder son projet. Lui préfère le hors-champ ou le crime partiellement montré sans pour autant en atténuer l'horreur de la situation. Les crimes ne sont pas aussi centraux que l'on pourrait le prétendre. Ce qui est prédominant est cette relation malsaine, faite de manipulation psychologique où Christie jouera avec Evans comme s'il était une marionnette, Un Evans bien moins intelligent que lui et surtout une cible toute trouvée. Il est colérique, fabulateur et violent lors de disputes avec sa femme. Christie lui est plus effacé mais calculateur, méticuleux et prudent. Il a toujours une longueur d'avance. Il n'est jamais en danger et sait où placer habilement ses pions sur son morbide échiquier.


Fleischer filme d'entrée de jeu l'inéluctable. On sait ce qui se passera, même sans connaître l'histoire officielle. Il tient le couple dans le creux de sa main et si le suspense propre à faire pâlir un Alfred Hitchcock était déjà à son comble, la partie après le meurtre de Beryl n'en sera que plus intense. Il n'y a aucune limite dans la cruauté. Tout est noir, sans espoir. "L'Etrangleur de Rillington Place" est un repoussoir moral qui ne compte pas seulement sur une tragique histoire où la terreur est sans cesse repoussée d'un cran. Les décors d'appartement bons à foutre le bourdon à un croque-mort aident énormément à l'ambiance poisseuse qui règne en ces lieux mal famés.


Mais surtout, ce que je me risquerai à dire est que le plus gros point revient sans nul doute à l'interprétation des acteurs, et sans surprise celle de Richard Attenborough qui nous estomaque. Rarement on a vu une telle implication dans un rôle pareil à un point tel où l'on jurerait presque que Richard Attenborough est le véritable étrangleur en personne. Et face à lui l'impuissance d'un John Hurt, la fragilité d'une Judy Geeson ou encore un avocat implacable qui causerait une frousse bleue à n'importe quel caïd. Un casting de très haut de gamme pour un indispensable qu'il est urgent de remettre sur le devant de la scène car on tient sans aucun doute l'un des plus bouleversants films de serial-killer.

MisterLynch
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le 20 juil. 2021

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