Il aura fallu pas moins de trois ans pour que La Cabane dans les bois daigne finalement ouvrir ses portes aux spectateurs suite aux galères financières du studio MGM qui peu convaincu du potentiel commercial de l’entreprise prévoyait d’en faire une conversion 3D pour surfer sur l’engouement de ce nouveau marché initié par la sortie d’Avatar de James Cameron. Finalement il n’en sera rien, et le film sera cédé pour une poignée de dollars à Lions Gate qui profitera de la nouvelle renommée de son scénariste Joss Whedon sorti du succès d’Avengers pour mieux vendre son film sur la seule évocation de son nom, ce qui leur a d’ailleurs permis un excellent retour sur investissement. Pourtant le pari était loin d’être gagné au vu de la teneur de son sujet. Cinq adolescents viennent passer un week-end au fond des bois et vont se retrouver confronté comme on le devine au mystérieux passé des lieux. On pourra difficilement faire plus convenu tant ce speech rappel celui d'Evil Dead à laquelle cette vieille bicoque et son point d’accès unique y font clairement référence. Même le titre est une filiation direct au chef d’oeuvre de Sam Raimi qui avait intitulé son court métrage d’origine Within the Woods. Mais c'était sans compter sur la malice de son duo de scénariste qui se sont fait d’abord connaître dans le monde de la petite lucarne avec des séries comme Lost ou bien Buffy contre les Vampires qui trouvent finalement leur écho ici par leur distanciation ironique ainsi que son concept manipulatoire qui font de ses protagonistes, des cobayes d’expérience destiné à finir supplicié sous l’emprise d’un groupe de zombie, d’un boogeyman générique, ou bien d’une chimère quelconque.


«Vous croyez connaître l'histoire. Vous pensez déjà connaître la fin.» Ce sous-titre résume à lui seul le concept scénaristique derrière cet étrange objet hybride qui permet à ses créateurs de dresser le constat du cinéma de genre horrifique quelque peu engoncé dans les mêmes schémas et artifices éculés depuis plusieurs décennie. D’ailleurs le film fait allusion a tout un large pan de la production et prolonge le propos métafictionnel initié par Kevin Williamson avec Scream, à ceci près qu’il ne se contente pas seulement d'en dénoncer les clichés inhérents mais bien de les justifier à l'égard d’une intrigue parallèle introduisant des employés de bureaux blasés par leur activité au point de se lancer des paris idiots dans le cadre lisse et aseptisés d’une salle de contrôle ce qui tranche radicalement avec l’ambiance ténébreuse et oppressante de la forêt dans laquelle se retrouve enfermés ses cinq victimes qui représentent chacune d’entre-elle un archétype commun. On a donc droit à l’intellectuelle, l’athlète un peu bourrin, la latino charmeur, la blonde écervelée, et le petit rigolo accroc à la marijuana. Pourtant les personnages ne sauraient se définir à ce seul trait de caractère puisque comme on le verra, Jules est en réalité une fausse blonde qui ne doit sa libido qu’à l’utilisation d’un phéromone chimique lui ayant été inoculée, quant à Marty la consommation de psychotropes ne l’empêche pas d’être le membre le plus éclairé de tout le groupe puisqu’il sera le premier à comprendre que quelque chose se trame en coulisse. C’est aussi là que l’interventionnisme des cols blanc trouve sa place pour conditionner les sujets à agir selon des critères prédéterminés et à orienter leurs décisions pour s’assurer du bon déroulement narratif. Et quant ils chercheront à échapper au sort qui leur est réservé, ils se retrouveront inévitablement confrontés à une impasse infranchissable qui ne leur offre aucune porte de sortie.


Drew Goddard nous plonge ainsi dans une parfaite mise en abyme du genre, non pas pour en faire la déconstruction, mais bien l’inverse en nous dévoilant les arcanes de la création filmique ainsi que le cynisme opérant derrière certaines productions qui peine à se réinventer et ne suscite plus que l’indifférence ou le ridicule comme cet ersatz de Sadako qui va échouer à effrayer une classe de maternelle du côté nippon. Pour autant, le réalisateur n’en oublie pas de produire un vrai film d’horreur où le comique né du décalage opéré entre l’apparition des revenants que doivent affronter les survivants, et les artifices actionnés en contrebas dans l’allégresse et l’euphorie généralisée. Le film déroule donc l’habituel programme horrifique en exploitant le voyeurisme du spectateur qui se repaît de ce type de divertissement comme ces observateurs derrière leur moniteur, toujours à l’affût d’une poitrine dénudée ou bien d’un meurtre saugrenue avant de finalement écarté cette idée de télé-réalité suite à un imprévu que n’avait pas anticipé ses maîtres du jeu et c’est là que l’histoire s’emballe véritablement dans un final exaltant à grand renfort de scènes gore et d’effet sanguinolent charrié par une véritable foire au monstre enfermé dans un immense tesseract révélant toute l’artificialité du lieu et de son concept. Le duo de créateurs s’aventurent finalement dans une forme de satire complaisante qui se veut à la fois éloge et fossoyeur du genre dont ils révèlent sciemment aimer les sensations éprouvées mais ne plus en supporter certaines ficelles et artifices communs ainsi que cette tendance déviante lorgnant vers le torture porn. En définitive, quand les héros refusent d’accomplir le sacrifice et de braver la colère des dieux, c’est une manière subtile et fine de dire à l’arrière garde que la nouvelle génération n’aura pas peur de s’y mesurer droit dans les yeux.


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le 26 févr. 2024

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