Un de ces films qui questionnent encore une fois la notion d'appréciation, la fonction de note... Que note-t-on ici ? Une fiction ? Une fiction presque documentaire ? Un documentaire tourné en fiction ? Le message politique ? Le drame social ? Je n'en ai aucune idée.


L'histoire est simple, représentative d'un fait peut-être pas forcément connu de tous ceux qui n'ont jamais séjourné en Europe de l'Est : les Roms sont autant des Roms en France qu'en Roumanie, qu'en Slovaquie, qu'en Moldavie, ou comme ici, qu'en Bosnie-Herzégovine. Une population de laissés pour compte où qu'ils soient. Ce court film est une façon de matérialiser le rejet, l'humiliation et la honte d'une famille (qu'on imagine aisément métonymique), où qu'elle se trouve en Europe. Rien n'est trop appuyé ici, le ton est juste, le style naturaliste, documentaire, minimal, mais suffisamment évocateur.


La première partie, sorte de chronique dans un no man's land désolé dans lequel Nazif, un ancien soldat, tente de survivre avec sa famille, est très réussie. Pour lutter contre le froid, on va chercher du bois dans la neige épaisse ; pour se nourrir et vivre, on cherche du fer, on découpe des voitures pour revendre le précieux matériau. On vit, on survit, et on s'amuse comme on peut. On s'aime, aussi, on se serre les coudes. Un côté documentaire prenant, qui s'intéresse aux détails de la vie quotidienne dans des conditions extrêmes et des liens qui peuvent se tisser entre déshérités.


Je reste beaucoup plus circonspect au sujet de la deuxième partie centrée sur une fausse couche et le refus d'un premier centre médical de prendre en charge la femme de Nazif, car il n'ont pas les moyens de payer l'opération. Le film se fait ici beaucoup plus insistant, même si la chose reste terrible en soi, et quitte quelque peu l'apparence du documentaire pour rejoindre celle du drame (en gardant à l'esprit que tout cela doit être tristement proche de la réalité). On ne rejoint clairement pas l'horreur frontale du Mungiu de "4 mois, 3 semaines, 2 jours" (pour rester dans cette région d'Europe), mais c'est en tout état de cause un passage moins subtil, au sens où il atténue légèrement la portée de la première moitié qui s'était appliquée à décrire posément la "misère naturelle", tolérée, acceptée, à la marge. Première moitié qui aurait vraiment gagnée à être étendue et développée sur la même tonalité, quitte à se passer des événements plus ostensiblement tragiques de la deuxième partie.


(Avis brut #51)

Morrinson
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le 15 févr. 2016

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Morrinson

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