Les braises sauvages
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le 20 nov. 2017
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Il y a une frustration qui coule en moi lorsque l'on me parle de Ingmar Bergman. Je sais pertinemment bien que ce gars est un cinéaste de génie mais je n'arrivais jamais à m'imprégner totalement de son univers. Chaque séance m'était agréable mais je ne ressentais jamais cette flamme. Et pourtant, ce n'est pas comme si je n'avais fait que survoler sa filmo sans pour autant tout voir. Mais cette frustration prit fin pas plus tard qu'hier avec La Honte. Comme à mon habitude, je me disais "Allez ça va le faire, je sens que Bergman va me retourner comme une crêpe cette fois-ci" et haut les coeurs, cela arriva et pas qu'un peu.
Il faut dire que le potentiel de me crisper à mon siège était bien de la partie vu qu'il sera question de guerre. Mais pas la guerre divertissante, creuse et grand-guignolesque. Non, la guerre sale, sans pitié qui tourmente les âmes. Bref, la vraie guerre loin des explosions et avancées pétaradantes. Toutefois, les protagonistes ne seront pas de simples soldats mais bien des civils et en l'occurrence un couple apolitique et peu vertueux. Ceux-ci ont un mode de vie insulé qui les éloigne de toute contrainte civilisationnelle. Ils sont au courant d'une guerre mais celle-ci leur apparaît lointaine, imperceptible. Sentiment renforcé par une radio dysfonctionnante. Ils sont égoïstes, procrastinateurs et ne se soucient aucunement de ce qui peut arriver aux autres. Leur couple n'est pas des plus épanouis non plus et la guerre ne fera que continuer la désagrégation d'une vie qui ne leur correspondait pas.
Les images d'assaut et les conséquences meurtrières de la guerre rencontrées au début tétanisent le spectateur pris avec Eva et Jan dans un engrenage malsain qui les engloutira peu à peu dans une horreur sans nom. En un sens, je me suis risqué à voir en La Honte, un "Feux dans la plaine" qui concerne ici les civils, Monsieur et Madame tout le monde. Petite parenthèse, j'enjoindrai ceux qui me liront à foncer sur ce chef-d'oeuvre de Kon Ichikawa dont le risque de vous bouleverser avoisine les 100%. La suite n'en sera pas des plus optimistes pour nos héros. Sauvés par Jacobi qui est l'un des maillons essentiels de la collaboration, leur descente n'en sera que lentement inéluctable, sans aucune possibilité de rédemption. La guerre change les hommes à jamais et n'importe qui est susceptible de perdre son humanité pour devenir un monstre. Bergman oblige, les thématiques du rêve et de la recherche d'identité se confondent dans la désolation belliqueuse des hommes. Eva et Jan se questionnent sur leur avenir, sur leurs choix. Que faut-il faire ? Est-ce que je suis simple spectateur de ma propre vie ? Il n'y a pas de lumière, pas d'espoir. Leur fuite n'est que chimère.
Je pense que La Honte est le genre de film dont il vaut mieux en savoir le moins possible pour le savourer pleinement. C'est pourquoi je ne chercherai pas à détailler l'action, ni le moindre événement, juste vous le recommander. ENFIN je tiens mon bijou de l'auteur suédois le plus estimé du cinéma qui m'a définitivement incité à repartir de 0 dans sa filmo en procédant à un second visionnage. Qui sait... Bergman pourrait devenir l'un de mes réalisateurs fétiches dans un avenir proche.
Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Il faut reconnaître que ces films mettent mal à l'aise
Créée
le 29 juil. 2021
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