(...) Un générique, classique mais efficace, nous présentant un casting très prometteur constitué de Vincent Price et de Lon Chaney Jr, et dès le premier plan le spectateur est fixé ; on est chez Lovecraft. Tout y est : l’orage, la brume, le vieux lampadaire dans une rue déserte, les pavés, le manoir au loin, le cimetière glauque en ruine. Roger Corman oublie toute notion de subtilité, et nous présente en cinq minutes une sorte de best-of des éléments chers aux poètes et auteurs macabres dont Lovecraft est peut-être le plus grand représentant. C’est efficace, direct, et finalement assez bien mis en scène pour fonctionner. Le film commence directement à la deuxième partie du roman, et nous présente en introduction l’exécution de Joseph Curwen, ancêtre maudit de Charles Dexter Ward dont Lovecraft faisait bien plus de cas. Cette scène représente la première difficulté de Roger Corman en tant que metteur en scène. L’auteur n’écrivait, comme à son habitude, strictement rien du meurtre, en faisant ainsi un sommet d’angoisse et d’ambiguïté ; il la camoufle derrière une ellipse, et tout juste se contentait-il de donner au lecteur des phrases telles que :

« Ils avaient vu, entendu ou senti ce qui n’était pas fait pour des humains, et ne pouvaient pas l’oublier. Il n’y eut de leur part aucun bavardage, car même au plus ordinaire des instincts humains il est de terribles frontières. »

Le réalisateur, lui, aborde frontalement cette scène. L’idée est louable ; visuellement, le film peut se vanter d’avoir une photographie assez exemplaire, et des acteurs suffisamment impliqués pour éviter le kitsch ou le ridicule qui peut aisément s’inviter dans la représentation visuelle d’une telle séquence. Malheureusement, le bât blesse plutôt du côté de l’écriture, qui en restant fidèle à ce refus de toute subtilité, plonge dans un manichéisme malvenu. Toute ambigüité disparait alors que Curwen devient un simple sorcier kidnappeur. Dommage de réduire à cela un personnage aussi construit et important dans le texte de Lovecraft ; mais soit. La séquence n’est pas ratée, et l’ambiance intrigante est bien là, aidée par une réalisation de haute volée faisant la part belle aux éléments gothiques et aux compositions fort bien pensées de Ronald Stein. Une atmosphère fort bien mise en place, servie par un sens du cadre et des séquences parfois franchement hallucinées faisant honneur au génie du fantastique, parviennent à captiver le spectateur durant l’heure et demie du film. Le temps de revoir nos attentes à la baisse, de prendre conscience que LA MALÉDICTION D’ARKHAM se veut être un honnête film ne prétendant pas arriver à la cheville du texte original, grandiose et ambitieux, et l’on est prêt à se replonger totalement dans l’univers que le réalisateur s’approprie finalement de manière assez pertinente bien que prévisible et attendue (...)

La critique fait partie d'un dossier consacré à H.P. LOVECRAFT - à voir, sur Le Blog du Cinéma
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le 22 janv. 2015

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