Produit par Roger Corman, ce film d'une noirceur très étonnante, clame bien fort que "America is dead".

Flirtant avec un certain anti-américanisme, le scénario est virulent : il fait subir à la pauvre Yvette Mimieux un véritable calvaire, une descente en enfer dans l'Amérique profonde. De la première scène où elle se fait engueuler au boulot par un client irrité, jusqu'à la dernière, elle passe tout le film à en prendre plein la gueule. Film sadien par excellence, cette "Justine" découvre la face morbide des États-Unis, l'arriérisme, la misère sexuelle, la violence ou la malhonnêteté. Avec pour seule bouée de sauvetage un criminel joué par le très juvénile Tommy Lee Jones, elle passe de Charybde en Scylla, se faisant manipuler, détrousser, violer, accuser, emprisonner, etc.

La tonne d'emmerdes qui n'en finit pas de dégringoler s'accumule et livre un portrait au vitriol de la culture américaine. Les personnages apparaissent soit faux, soit tordus. Quelques-uns, apparaissent ici ou là comme des fantômes souriants, inaccessibles, jamais là quand il faut.

Quand je parle de "culture", il faut prendre cela au sens très général, j'hésite pourtant à parler de "civilisation", c'est tentant tout de même. Tous les éléments de la société américaine se liguent contre Dinah Hunter, le personnage de Mimieux. La relation entre elle et Coley (Tommy Lee Jones) permet d'en dire long sur la déchéance du pays. Dinah veut toujours croire malgré tout qu'il y a moyen pour elle et la société de revenir à la raison, mais tout est si pourri jusqu'à l'os, que le pays comme les personnages sont dans une sorte d'impasse. Coley est dans le caca américain depuis belle lurette et ne se berce par conséquent pas de ces illusions. Au moment de se séparer, elle lui demande de faire attention et de ne pas laisser la police le tuer. Pour lui répondre et dire son insouciance, il a cette phrase qui résume tout le film : "I was born dead".

Jusqu'au bout le film égrènera sa litanie morbide, pessimiste et critique, avec une conviction et une force qui surprennent. Je pensais pas qu'il serait aussi catégorique et violent dans sa révolte.

A ce propos, la scène de viol est pour le moins éprouvante. Très bien jouée par Yvette Mimieux, son réalisme est redoutable. Sur le jeu des acteurs, il faut insister sur le fait que Yvette Mimieux a un rôle très difficile et s'en tire superbement.

Tommy Lee Jones est tout jeune, je disais plus haut "juvénile", peut-être que j'exagère, mais il ne doit pas dépasser de beaucoup sa vingtaine d'années. C'est très étrange de le voir sans ride. Le visage est lisse, mais sa voix est d'ores et déjà marquée "caverne", donnant un contraste plutôt saisissant à son personnage.

Bref, un film très très noir, peut-être glauque, et que d'aucuns pourraient tout à fait légitimement estimer caricatural. En effet, ils sont bien peu de personnages à paraitre un peu humains. Cependant, au final, le coup de poing porte à l'estomac, laisse un vrai malaise, malgré la texture "nanar" de certaines scènes et décors de cette petite production. Donc, un petit film qui parait toutefois plus complexe et couillu que la plupart des films de genre de son espèce, un road-movie trashy désespéré et plutôt convenable.
Alligator
6
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le 26 avr. 2013

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