Il est toujours agréable de tomber sur un petit néo-noir qui se contente de ce qu’il est. Point de subterfuge grotesque à l’horizon, de fourberie de petit malin pour égarer les âmes vers de fausses pistes, point non plus d’envolées lyriques grandiloquentes dans The drowning pool. Simplement Paul Newman qui endosse la cravate du détective Harper, apathique coureur de jupons au flegme imperturbable.
De déconvenue en déconvenue, toujours le sourire timide aux lèvres, jamais inquiet, le bougre traîne sa bonne étoile à travers une Louisiane immobile. Tout semble mis sur pause, seuls les agissements du bon Paulo font avancer l’histoire, à aucun moment les autres personnages, qui ne sont que des faire-valoir au détective nonchalant mais not so tough, ne sont autorisés à prendre le micro plus du temps d’antenne qui leur est nécessaire à livrer leur quota d’indice. Un temps de parole suffisant pour permettre à Harper d’aller visiter un autre lieu, ils ne sont que les accessoires de luxe du périple sans surprise entrepris par le bonhomme.
Et c’est ce qui fait tout le charme de Drowning pool, cet équilibre subtil entre immobilisme, nostalgie et réalisme. Ne jamais forcer le trait d’aucun des personnages rencontrés, ne pas prendre le risque de faire s’emballer des événements qui sembleraient alors trop éloignés de la réalité fait que le film s’apprécie avant tout comme l’errance crédible de sieur Newman en quête, non pas de vérité, mais d’un prétexte à exercer sa profession. Après tout, bosser 4 jours par an ne nourrit pas son homme, alors quitte à se prendre deux ou trois gifles sur les pommettes, pourquoi ne pas bousculer la petite communauté cachotière qui l’a invité un peu malgré elle.
A n’en pas douter, le petit ingrédient supplémentaire qui donne à The Drowning Pool son aura inimitable, c’est son côté so seventies. Tenues vestimentaires, image granuleuse, acteurs qui se livrent et surtout séquences grandioses (le petit bain dans le centre de Thalassothérapie est un vrai régal et un chouette moment de mise en scène mine de rien !), tout est réuni pour une séance sans complexe génératrice de bonne humeur.
Aux commandes, Stuart Rosenberg livre une mise en scène sans bout de gras très efficace et emballe sa bobine avec un sens du rythme particulièrement maîtrisé, réel tour de force quand on considère le type d’histoire qu’il raconte. Pas évident de trimbaler langoureusement Harper l’inexpressif sans pour autant inviter l’ennui à la fête. Pari relevé avec les honneurs et quelque peu aidé par les quelques phases de réveil du blondinet au visage d’ange : le petit tour de roulette russe en mode voyage au bout de l’enfer, par exemple, fait son petit effet !
The Drowning Pool, c’est aussi l’occasion de retrouver le duo Newman / Woodward, mari et femme réunis à l’écran après le délicieux De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, une complicité toujours intacte à déguster notamment pendant les 20 premières minutes, plus particulièrement à l’occasion de leur rencontre, tout en murmures, dans une boutique de souvenirs.
Un petit mot également pour le petit débardeur insolent de la jolie Mélanie Griffith, parfaite en apprentie veuve noire attirant dans des filets inhospitaliers les mâles peu scrupuleux qui croiseraient son chemin. Un rôle sur le fil du rasoir, typique également d’une décennie où rien, ou presque, n’était taboo. Deux femmes parmi tant d’autres sur le chemin de Harper, flegmatique tombeur devant l’éternel, aimant les femmes mais pas assez stupide pour leur succomber.
Bref, un feel good movie auquel il ne manque qu’un petit soupçon d’idée, un petit grain de folie. Mais rien que pour ses dialogues, ses acteurs et ses ambiances … si ce n’est pas déjà fait, dégottez-vous ce Drowning-Pool que vous agrémenterez d’une petite lampée de Lagavulin (ou d’un petit thé bergamote et son nuage de lait). Dépaysement, et sourire satisfait garantis !
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