"Et mon mal est délicieux"
Le roman de Sacher-Masoch "La Vénus à la Fourrure" m'a marqué et il est devenu un de mes livres fétiches, rejoignant avec le "Lolita" de Nabokov la liste des oeuvres qui m'ont forgé dans mon imaginaire sexuel, ma conception du désir, de l'érotisme, etc... Que ce soit clair, je ne suis ni sado-masochiste, ni amateur de jeunes pré-pubères, mais mon rapport à la sexualité s'en est trouvé changé. Lorsque j'ai appris que Polanski (que j'aime beaucoup) allait l'adapter, mon cœur s'est emballé.
Ici, on entre littéralement dans un théâtre où Mathieu Amalric s'apprête à partir, las des castings, alors qu'Emmanuelle Seigner arrive, trempée par la pluie, suppliant de lui faire passer une audition. La pièce est une adaptation du livre de Sacher-Masoch "La Vénus à la Fourrure". Contrairement aux apparences, Wanda (Seigner) joue très bien et semble bien plus connaitre le texte qu'elle ne le laissait croire... Les deux protagonistes vont jouer sous nos yeux la pièce.
Pourquoi ce film est extraordinaire ?
On va y aller progressivement en commençant par les acteurs. Si Amalric n'avait plus rien à me prouver quant à son talent, le jeu d'Emmanuelle Seigner avait tendance à me sortir par les trous de nez. Mais là, je ne sais pas si c'est parce qu'elle est dirigée par son mari ou quoi, mais mazette la claque ! Elle réussit le tour de force de jouer 3 rôles ensemble et les garder cohérents ! Pire, elle a réussi à déclencher un désir fort. Si on m'avait dit que j'aurais eu envie un jour de faire l'amour à Emmanuelle Seigner, je ne l'aurais point cru ! Au passage, je salue bien bas le choix de Polanski d'avoir pris que deux acteurs dans le film, ne tombant pas dans la facilité du triangle amoureux. Premier bisou.
Maintenant, parlons un peu technique: visuellement, c'est parfait. L'image n'est pas trop léchée au point de nous couper de l'immersion théâtral, juste belle. La caméra sait être souple et légère, tout en finesse. Malgré le danger, Polanski ne tombe jamais dans le piège du théâtre filmé et reste dans un découpage cinématographique intelligent et signifiant. La musique est discrète, pour ne pas dire inexistante et le son est génial. Le son fonctionne sur une double voie: le son réel et celui de l'histoire. La scène où ils se miment, servant du café dans le vide alors que les sons de cette tâche se font entendre, est magnifique. Deuxième bisou.
Entrons dans la partie la plus sensible: l'adaptation. Je pense qu'avec le O'Brother des frères Coen, ce film est la meilleure adaptation que j'ai vu de toute ma vie. J'en avais des frissons pendant toute la séance. C'est génial, l'ambiance, les enjeux, les personnages du livre sont retransmit avec finesse et perfection. Le personnage de l'auteur, c'est Masoch, la modification de l'ouvre en fonction d'une femme, c'est sa vie, etc... De plus comme dans le livre, la "perversion" (mettons une trentaine de guillemets) est issue de réflexivité (dans le livre, c'est un livre interne qui raconte cette histoire et dans le film, l'histoire est une pièce de théâtre). Troisième bisou.
La mise en scène, les rapports entre personnages sont subtils, passant par de légers détails (dispositions, regards, corps, etc). La domination de Wanda sur Severin est progressive, subtil et toujours ambivalente, pardon, ambiguë. Polanski a compris le livre de Sacher-Masoch dans ses différentes lectures (érotique, fantastique, social), en apportant même une que je n'imaginais pas au niveau de l'homosexualité. Brillant. Le film n'est pas juste une adaptation, c'est une appropriation afin d'ériger un hommage dithyrambique à l’œuvre. Quatrième bisou.
Pour conclure, c'est pour l'instant le meilleur film de 2013 (sur 67 films vu), le meilleur Polanski et surement la meilleure adaptation qu'il m'a été donné de voir dans ma vie. Mon coeur est gonflé de bonheur face à la réussite de ce film par rapport aux adaptations de mes livres favoris qui sont souvent ratés (sauf "O'Brother" & "Tous les matins du monde") comme ceux de "Lolita"... J'ai fait 4 bisous à Polanski, c'est beaucoup, mais il les mérites le bougre. Je viens de me rendre compte que je n'ai pas parlé de la similitude entre Severin et Polanski, mais je pense que c'est suffisamment fort pour que vous le découvriez par vous-même dans les salles obscures. Bisous.