Prélude à un nouveau monde.
Tourné dans la lignée du cinéma social d'après Mai 1968, ce documentaire est précieux dans le sens où il donne la parole à des chefs d'entreprise (IBM, L'Oréal, Paribas...), à une époque où ceux-ci se faisaient discrets des médias, pouvaient être inconnus de leurs employés, bien avant leur starification dans les années 1990 avec l'explosion de Bernard Tapie.
Le film commence de manière originale par une table ronde où plusieurs chefs discutent du titre du film, qu'ils trouvent un peu trop autoritaire, et limite esclavagiste envers leurs employés.
Ensuite, la modestie du budget fait qu'on a droit à du noir et blanc et aucun mouvement de caméra sur les entretiens, ce qui donne une forme à la fois aride et passionnante, du fait des dires des patrons, qui discutent de manière souvent intelligente.
Le rapport avec les employés est évoqué, où l'on sent que chacun doit être à sa place dans la hiérarchie, et sur le rapport souvent conflictuel avec les syndicats, qui passent un peu pour des emmerdeurs, excepté un dialogue prophétique du boss d'IBM qui accorde une place très place, à l'américaine.
Ce qui frappe dans ces interviews, c'est de voir une certaine forme de modestie de leur part : certainement peu habitués à être filmés (ce qui vaudra à la version télévisée du film une censure de 13 ans, car le patron de L'Oréal ne voulait pas être vu par tous), ils compensent par l'intelligence de leurs discours, et qui sont à la fois d'un autre temps, car ces entreprises sont essentiellement industrielles, et qui augurent la montée du capitalisme à notre époque, bien que le mot "profit" ne soit jamais prononcé une fois.
C'est là aussi une différence avec notre temps, où l'argent est exhibé à gogo ; ici, seul l'effort compte, mais pas une fois, l'argent ne rentrera en compte, comme si s'enrichir dans les années 1970 était honteux, peut-être une rémanence de Mai 1968...
Comme je le disais, la forme est un peu rude (on a aussi droit à des longs plans d'ouvriers travaillant à la chaine, rappelant immédiatement "Les temps modernes"), le documentaire doit être encore plis intéressant dans sa forme audio (qui dure 6 heures), mais tel qu'il est, c'est un vestige issu d'un autre temps sur ce qu'était un patron dans les années 1970.