Ai-je apprécié le Cabinet du docteur Caligari ? Oui.

A-t-il bien vieilli ? La remasterisation de 2014 aide probablement à cela, mais là encore, oui.

Est-ce un film à voir ? Oui.

Ok, du coup, pourquoi je vous emmerde avec ces questions ? Eh bien parce que malgré ses nombreuses qualités, le Cabinet du docteur Caligari n'est pas le film qu'on m'a vendu, le film qu'on a voulu me faire croire.


Il est souvent présenté comme l'un des premiers longs-métrages d'épouvante et l'un des premiers films à twist de l'histoire (si ce n'est le premier), et à vrai dire, je vais lui laisser le bénéfice du doute. De toute façon, force est de constater qu'il arrive sans trop de mal à se démarquer de ce qui se faisait à l'époque, d'où le fait que je recommanderais à quiconque de le voir.

Non, ce qui m'embête dans l'histoire, c'est qu'on a fait dire un tas de chose à ce film. Un tas de chose que le film ne dit pas forcément. En effet, Caligari (ne m'en voulez pas si je raccourcis le nom du film) serait un film immensément politique, ayant prédit, plus de 10 ans avant l'arrivée de Hitler au pouvoir, la manipulation du citoyen allemand par ce dernier. Pourtant, quelques simples recherches suffisent pour se rendre compte que ce n'était pas vraiment le cas. Si les deux scénaristes du film, Hans Janowitz et Carl Mayer, étaient bel et bien deux pacifistes, et bien que Mayer fut victime de la psychiatrie militaire afin d'éviter son service militaire (le docteur Caligari serait d'ailleurs inspiré du psychiatre qui l'a ausculté), cela ne fait pas du film dont il est question ici un film prophétique pour autant… d'ailleurs, il suffit de s'intéresser à la manière dont a été vendu le film à l'époque de sa sortie, de ce que l'on disait sur lui, pour s'en convaincre : le Cabinet du docteur Caligari était en effet présenté comme un film plus « simple », loin d'être le film qui nous a été vendu après coup, y compris par l'équipe du film.

Cela ne veut pas pour autant dire que le long n'a aucun propos, c'est un film écrit par des pacifistes pour rappel, et on peut effectivement faire un rapprochement entre l'antagoniste du long-métrage et ce que représentait l'Allemagne à la fin des années 1910… mais on reste, quoi qu'il en soit, loin du film prophétique qui peut nous être présenté.

Bien évidement, si on se souvient du Cabinet du docteur Caligari c'est surtout pour une autre raison : le film étant « considéré comme la quintessence du cinéma expressionniste allemand » (ce n'est pas moi qui le dit, c'est Wikipédia).

D'aucun pourrait affirmer que Caligari a été publié à une époque où l'expressionnisme (tout du moins ce qu'on pourrait appeler la « peinture expressionniste ») était déjà tombé en désuétude… mais bon, franchement, le but de cette critique n'est pas d'être un cours sur l'histoire du mouvement expressionniste : elle en deviendrait bien trop longue et de toute façon, autant le dire franchement, je suis loin d'être un expert sur le sujet.

Quoi qu'il en soit, Caligari n'usurpe pas son titre de « quintessence du cinéma expressionniste allemand ». On est bien loin des films de Fritz Lang de la même période, très souvent considérés comme des films du courant expressionnistes… à tort, selon moi, vu qu'ils s'en éloignent très fortement. Les décors du Cabinet du docteur Caligari sont déformés, au point où il est impensable qu'ils aient une place dans le monde réel, tout est fait pour que le spectateur soit trompé par les perspectives, les ombres et traits de lumière sont peints directement sur le décor. Le film arrive à se montrer angoissant malgré le fait qu'il ait plus d'un siècle, confortant sa place de « premier film d'horreur de l'histoire », mais aussi de film tiré du mouvement expressionniste… en fait, il ne manque que les couleurs agressives pour que le long fasse totalement partie de ce courant (bon après, c'est un peu normal pour un film de 1920 vous allez me dire…).


Le Cabinet du docteur Caligari ne possède pas une mise en scène frappadingue pour autant. Ce n'est pas « mal filmé », certes, et l'éclairage permet au film de nous faire part de quelques bonnes trouvailles, comme la mort d'Alan, qui se produit alors qu'on ne voit que les ombres de l'assassin et de la victime, ou encore du réveil de Cesare en début de film. Le fait que la mise en scène soit sommaire, faisant du Cabinet du docteur Caligari un film « théâtral », comme la majorité des films de cette époque soit dit en passant, a l'avantage de bien se marier avec les décors quand on y pense.

J'affirmais dans le second paragraphe de cette critique qu'on avait fait dire un tas de chose à ce film, un tas de chose que le film ne dit pas forcément. Un autre exemple qui me vient en tête concerne le twist du film, le fait que l'intégralité de l'aventure nous soit narré par un « fou » et que le style visuel déformé du long-métrage refléterait son état mental… alors… non ! Je ne vais pas y passer par quatre chemins, mais autant je trouve cette théorie intéressante, autant j'aurais aimé y croire… autant le fait que les dernières minutes du film qui se déroulent dans le monde de la réalité véritable reprennent les mêmes décors que l'on a vus durant tout le film contredisent cette affirmation. On pourrait arguer que, étant donné que l'on continue de suivre le même personnage fou, que celui-ci perçoit les décors différemment : qu'il soit dans la réalité ou qu'il s'imagine des choses. Oui. Mais encore une fois, on revient à ce que je disais plus haut dans cette critique : on peut faire dire tout et n'importe quoi à ce film, et le fait qu'il soit très abstrait, qu'il ne nous révèle pas les motivations de ses personnages, ne fait que renforcer cela. C'est bien beau de laisser des ouvertures, de laisser le spectateur interpréter le film, et je trouve certaines théories sur le film intéressantes à lire… mais encore une fois, ce n'est pas comme ça que le film a été imaginé par ses créateurs (et encore moins par son producteur, Erich Pommer, qui voyait surtout là un film « bon marché »).

Bref, encore une fois, j'ai beaucoup apprécié mon visionnage du Cabinet du docteur Caligari… et encore une fois, j'ai bien l'impression qu'on a fait dire un tas de chose à ce film, un tas de chose qu'il ne dit pas forcément. C'est d'ailleurs étonnant de voir qu'un film, qui a autant divisé à l'époque, que ce soit l'équipe créative, les producteurs et même les critiques, fasse autant l'unanimité aujourd'hui.

Ça reste un film à voir.

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le 29 sept. 2023

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MacCAM

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