À voir l'affiche du film, on se doute un peu que The Mercenaries sera d'une tonalité tout autre que celle du romantique Sons and Lovers. Mercenaires sanguinaires, combat à la tronçonneuse, attaque de train et explosions à gogo, on s'éloigne à grands pas de la verte campagne britannique et de ses p'tits jeunots en plein doute existentiel, pour foncer tête bêche vers la série b bruyamment dopée à la testostérone, avec son intrigue simplette et ses personnages taillés à la machette. Ce bout de péloche étrange, taxé de racisme à sa sortie, sera même considéré comme un pur plaisir coupable par Scorsese, c'est dire ! Et on le comprend, puisqu'il n'y a pas grand-chose d'autre à espérer de ce film que le simple plaisir régressif d'assister à un film d'action bourrin, à un spectacle d'aventure aussi dingue qu'improbable. Le principal danger face à ce film serait de le prendre trop au sérieux, dans ce cas-là le racisme latent et la complaisance pour la violence seraient difficilement supportables.
S'il faut reconnaître une qualité à The Mercenaries, c'est bien l'évocation sans fard du Congo post-colonial, avec sa violence, sa barbarie et ses guerres ethniques. Cardiff dénonce cette période de troubles vigoureusement entretenue par un pouvoir dictatorial, qui cherche à étouffer toutes révoltes naissantes, et par de grands groupes industriels européens qui lorgnent ouvertement vers les richesses locales. On n'est pas loin de l'ambiance de Blood Diamond, en moins simpliste, et de The Wild Geese, en moins médiocre fort heureusement. Seulement ce tableau, aussi virulent soit-il, reste bien souvent cantonné en arrière-fond d'une histoire qui se concentre avant tout sur la dimension "aventure" du métrage. La seule petite subtilité que s'accorde Cardiff, est celle de suggérer la situation congolaise à travers la relation entre les deux personnages principaux, Curry et Ruffo. Malgré la grosseur des traits employés, on appréciera l'attention portée à la prise de conscience de l'Européen ainsi que la vision "moderne" de cet Africain qui porte en lui les aspirations de tout un peuple à devenir une nation forte et civilisée. Si l'on peut qualifier la démarche entreprise d'audacieuse et de sincère, elle n'en demeure pas moins extrêmement naïve et maladroite : l'approche morale est simpliste et affreusement didactique, les discours et réflexions humanistes sont dépourvues de la moindre finesse, quant aux acteurs, ils semblent si peu convaincus par leur texte, que leurs scènes sonnent faux, immanquablement !
Pour donner raison à ce bon vieux Scorsese, The Mercenaries se savoure avant tout comme un vrai film d'aventures. La mise en scène résolument moderne, ainsi que la précision du montage, donnent au film sa vigueur et son dynamisme, tout en laissant transparaître à l'écran l'impression d'urgence qui guide nos aventuriers. Non seulement on ne s'ennuie pas mais on se surprend même à se passionner pour les improbables péripéties de ces barbouzes lâchés en plein conflit congolais. On est dans une vraie série b, ou même dans une vraie bande dessinée, avec ses mercenaires suintants de virilité et ses méchants qui ont la gueule l'emploi. On suit avec un plaisir enfantin ces scènes d'action qui s'entrechoquent, ce festival pyrotechnique hystérique et absurde, et cette rage qui explose à l'écran à travers des paysages moites et brûlants. La violence, omniprésente, n'est pas sublimée et contamine tous les camps, des Congolais jusqu'au militaire européen droit dans ses bottes en passant par l'ancien nazi : on massacre, on brûle, on torture et on tue même des enfants. Histoire de nous rappeler que la sauvagerie reste la même, quelles que soient les frontières ou la couleur de peau. C'est brutal, dérangeant et pas de la grande des finesses, mais The Mercenaries est de ces films qui méritent d'être vus, comme une aventure cartoonesque, comme un rappel haut en couleur de la folie humaine.
(6.5/10)