Le Fleuve

Quel film choisir pour ma millième critique de film sur SC ?

J'ai hésité entre plusieurs films que je n'ai pas encore revus et explorés. Mon choix s'est porté sur un des plus beaux films et peut-être des moins connus de Jean Renoir tourné en Inde en 1951 : le Fleuve.

Alors que Renoir finissait sa période hollywoodienne, il fit la rencontre de Rumer Godden et de son roman "The River" dont l'action se passe en Inde. Avec son aide, il bâtit un scénario.

Le tournage eut lieu dans les environs de Calcutta. Renoir eut comme assistant de réalisation le jeune Satyajit Ray. Ce dernier, intarissable sur son expérience avec Renoir, se lança peu après, sous les encouragements de Renoir, dans la mise en scène avec "la complainte du sentier".

Le film devait être tourné en technicolor et devait marquer ainsi une innovation pour Renoir qui avait toujours tourné en noir et blanc. Devant les difficultés techniques localement en Inde, le film fut tourné en noir et blanc sur place avant d'être traité par Technicolor dans leurs ateliers.

Le scénario évoque une Inde à une période encore coloniale au Bengale sur les rives du Gange. Trois jeunes filles, Harriet, la narratrice, Valérie, fille d'un riche propriétaire et Mélanie, métisse indienne par sa mère voient arriver, un jour, le jeune capitaine John, américain, grand invalide de guerre dont elles tombent amoureuses.

Résumé comme ça, le film ne présenterait aucun intérêt sans la fine description de chacune des jeunes filles ni l'atmosphère dans laquelle baigne le film, ni surtout la fascinante photographie du film.

En effet, la photographie du film assurée par Claude Renoir (le fils) est absolument sublime et est un véritable hommage au père Auguste Renoir … Les jeunes filles filmées dans des poses alanguies ou encore évoluant dans la végétation luxuriante et tropicale, véritable jardin d'Eden, sont magnifiques. Des peintures de Renoir rendues vivantes avec les rires frais des enfants... Dès le début, on est d'ailleurs mis dans l'ambiance puisque le film commence par exposer la coutume indienne d'accueil qui consiste à peindre sur le sol des motifs avec de la farine de riz.

Renoir n'oublie pas non plus son côté social car il filme de façon quasi documentaire les scènes dans l'usine de jute où travaille le père d'Harriet. Comme il filme aussi les évolutions de bateliers sur le Gange. Même si on s'étonnera que Renoir n'aborde aucunement le sujet du colonialisme dans une Inde post-coloniale. Ce n'est pas du tout le sujet. Au contraire, indiens et britanniques semblent complètement fondus dans une culture hindouiste où les traditions sont adoptées naturellement par tout le monde. Il en est ainsi de la fête des lumières (Diwali) ou encore le conte que raconte Harriet sur la belle cérémonie de mariage hindoue qu'elle imagine pour Mélanie.

Renoir va même un peu plus loin lorsqu'il essaie de pénétrer cette dualité si fondamentale de la religion hindoue où création est indissociable de destruction. Qui conduit à accepter ce tourbillon incessant des vies et des morts.

Mais tout ceci ne donne encore qu'une faible idée de la puissance de ce film si on omet de parler de la musique traditionnelle qui nous immerge définitivement dans une Inde de légende et de mystère.

En résumé, film à la fois hommage à la peinture de Pierre Renoir et à cette fascinante culture hindouiste empreinte de sagesse dont s'inspireront bien des cinéastes ou des musiciens ultérieurement