Le Grand Bleu, film d'ouverture du festival de canne de 1988, est aujourd'hui un des grands noms de la filmographie de Luc Besson, avec Léon, Le Cinquième élément, ou l'horripilant Lucy. Le film est à mon avis un des meilleures du réalisateur, ou du moins un des moins pires, en ne me cachant pas d'une certaine répugnance pour le style du cinéaste, que je trouve assez convenu, voire lourd et prétentieux. Je précise aussi que j'ai visionné la version longue de quasiment 3H (si j'avais su...)

Le pellicule commence donc en noir et blanc pour que le spectateur comprenne bien qu'il s'agit d'un moment passé ; les films utilisant cette technique après les années 70 sont assez agaçants (mais c'est toujours mieux que les réalisateurs qui disent "revenir aux sources" avec cette lourdeur visuelle). Bref, le prologue sera l'occasion d'un portrait en acte des deux protagonistes et de leur rivalité ancienne. Et Besson soupoudre cela d'une multitudes de plans sacrément ennuyeux des si belles îles cyclades : on avait loué un hélico, fallait bien s'en servir. C'est pourtant bien dommage quand une si belle musique s'y intègre... Mais un évènement important vient rompre la petite atmosphère enfantine, la mort du père de Mayol. Bon, on voulait donner de l'épaisseur au personnage mais on avait pas trop d'idée donc on a buté son père dans une succession de gros plans sur les visages désolées (et avec une musique triste en fond pour bien émouvoir le spectateur) : l'originalité.

Après cela, bouffée d'air, la couleur, un duo comique entre Molinari et son petit frère, dans une voiture bien à eux, partant secourir un plongeur pour de l'argent : et rien qu'avec ça on s'y attache à ces deux comparses, parce qu'ils quittent les terrains battus du pathétique pour devenir des individus à part entière, ils ont une vraie authenticité (et non des schémas surexploités comme Mayol).

On va pouvoir repasser aux défauts du film car j'ai un peu de haine à évacuer. Déjà, MAYOL, vrai poids lourd, j'ai l'impression qu'on cherche pendant 3h à lui incorporer des couleurs par tous les moyens : on tue le père comme déjà dit, mais surtout on va pousser la métaphore de l'homme et du dauphin à excès pour lui apporter l'épaisseur qu'il mériterait en tant que protagoniste, alors que soyons honnête, on la comprend bien avant la fin de la première heure. Il n'est donc pas rare d'avoir des séquences de plusieurs minutes qui filment des dauphins simplement entrain de nager, Besson devait sans doute penser qu'il approfondirait le propos... On ajoute à cela, un Mayol évidemment beau gosse, musculeux et mutique, qui ne manquera pas d'occasionner un coup de foudre, assez gênant, avec Baker ; dommage qu'il joue comme une table... Ce jeune dauphin, condamné à vivre parmi les hommes, devra ainsi trouver des raisons pour remonter à la surface car la vie est tellement mieux quand on ressemble à des blobfishs masqués : autre tentative d'épaississement mais toujours aussi plan-plan. Et aussi, il peut parfois passer toute une nuit avec son dauphin à faire je ne sais quoi (et je n'ai pas envie de savoir).

On va quitter un peu Mayol, pour revenir sur la conception générale du film qui joue de manière constante sur la dilatation du temps, chaque plan dure des plombs pour nous faire croire qu'il y a quelque chose à contempler ; de même pour les dialogues qui sont constamment allongés... (il est vrai que c'est peut-être aussi l'effet de la version longue, mais je ne pense pas que Besson est renié toute cette partie dans la version de 2h20.)

Ptite aparté : sur les 2 scènes de sexe, on ne voit que les hauts du corps et qu'à peine le bas, j'aimerais bien profiter de l'entièreté du corps de Mayol moi ; parce que pendant les gros plans bien sensuels sur les visages, je m'emmerdais un peu.

A mon avis les vrais bons moments du film viennent quand il arrête de se prendre au sérieux, c'est-à-dire pendant les scènes comiques. Que ça soit avec un Réno qui s'alcoolise à 400 pieds sous l'eau, ou avec un défi de coq, toujours alcoolisé, à qui restera le plus longtemps en apnée, on prend plaisir à suivre leurs petites mésaventures dans ces moments-là.

Jean Réno semble être la lueur du film, tandis que Mayol paraît en être l'écueil.

Je passerai sur la prise d'otage finale qui n'a qu'un seul but : faire chialer le spectateur par tous les moyens (suicide, femme enceinte, abandon, GROS PLANS sur les visages en pleurs, séquence dilatée pour nous tester sur la longueur, et toujours ces violons).

A part ces exagérations, que j'ai moi-même amplifier, le film évite quand même un certains nombre de facilité, et accompli, sans quelques lourdeurs, son objectif : retranscrire la fascination de passionnés pour leur raison de vivre, leur bouffée d'air, l'océan.

Mr_Mojo_Risin
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le 20 juin 2023

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