"Les Affranchis" est un retour en arrière pour Scorsese, qui avait délaissé l'univers des gangsters et ses enfilades de dialogues pour tenter de se renouveler avec plus ou moins de réussite.
Le cinéaste aime les gangsters, les mafieux. Enfin, il aime New York surtout, sa ville le fascine. Et c'est finalement encore celle ci qui est mise à l'honneur dans le fond. Ses petits mafioso ne sont rien d'autre qu'un pur produit de celle-ci, un élément emblématique et constitutif de son identité.
Rien de bien nouveau chez Scorsese donc. Et c'est bien ça le problème. Martin radote. Et "Les Affranchis" porte en lui toutes les qualités et les défauts du réalisateur.
D'ailleurs, si vous regardez les critiques, elles se ressemblent à peu près toutes : elle louent les qualités techniques du film, la mise en scène du cinéaste, toujours impeccable, rien à redire là dessus. On encense aussi le casting, encore que Robert de Niro joue toujours comme un sagouin je trouve, je n'arrive jamais à le trouver crédible (mais c'est peut être parce que j'ai toujours eu un problème avec lui) et que Ray Liota a beau irradier de charisme, il surjoue parfois trop et il y a toujours un truc chelou dans sa tronche quand il sourit. Joe Pesci est lui impeccable en petite merde nerveuse qui ne supporte aucune critique (on se demande d'ailleurs comment il ne s'est pas fait buter avant vu toutes les emmerdes qu'il apporte).
Mais dans le fond, que raconte "Les Affranchis"? Et ben pas grand chose.
Henry est un jeune homme attiré par l'argent facile et par les gangsters qui vivent près de chez lui et qui finit par les rejoindre. Soudain, il mène une vie d'opulence, l'argent abonde, le pouvoir, les armes, les femmes aussi... Je dirais bien qu'il y a une volonté de la part de Scorsese de "déglamouriser" le milieu des gangsters en les présentant comme des petits arrivistes immatures attirés par l'argent facile et qui se croient les rois du monde dès lors qu'ils ont un flingue en main et un minimum de pouvoir... mais il y a toujours une espèce de complaisance chez le cinéaste qui me gêne.
Et puis Henry finit par aller en prison pour s'être attaqué au mauvais gars. Là bas, il découvre le trafic de drogue pour subsister, business qu'il prolonge hors de prison, envers et contre tous les avertissement de son parrain dans le milieu. C'est presque un autre film qui commence ensuite puisqu'on suit Henry et quelques camarades amasser de l'argent grace au trafic de drogue puis grace à un casse organisé qui leur rapporte un max de blé (le fameux casse de la Lufthansa). Scorsese se fiche un peu du casse en lui même, ce qui l'intéresse c'est la façon dont les participants vont se comporter (la folie des grandeurs) et le comportement du personnage incarné par Robert de Niro, jusque là assez en retrait, qui va s'évertuer à buter un à un ses "alliés" qui pourraient poser un problème quelconque. Henry se fiche un peu du partage équitable et est content de ce qu'on lui donne. Jusqu'à ce qu'il s'enfonce dans une ultime crise de paranoïa causée à la fois par la prise de drogue et par la nature de ses activités et où il finira par être arrêté avant de passer un marché avec les autorités et de vendre ses amis.
Toute la limite du film est de vouloir prendre un parti pris réaliste. Or comme je dis toujours, la réalité c'est chiant. Et c'est ce que Scorsese a oublié. Vous ne pouvez pas faire un film entier avec des personnages aussi antipathiques, pathétiques... il faut bien à un moment qu'on ait quelque chose d'autre auquel se raccrocher. Pas forcément un héros mais un personnage qu'on peut aimer un minimum. Or là, il n'y en a pas. Et comme le film n'a pas de vrai de propos, on passe 2h30 à attendre tranquillement la fin sans ressentir quoi que ce soit. Perso, je me fout royalement de ce qui peut se passer dans le film. Je me fiche du sort des personnages. Tout au plus ai-je été content de voir Tommy crever parce qu'il est juste insupportable et con mais sinon, lorsque Henry trahit ses amis à la fin, je n'ai rien ressenti du tout, ni joie, ni déception...
Scorsese échoue là où un Sergio Leone avait réussi. Quand il tourne "Il Était Une Fois en Amérique", il construit de vrais personnages, pour lesquels le spectateur peut ressentir de l'empathie. Et il a quelque chose à raconter, il met en comparaison ces petits gangsters et les hommes politiques d'aujourd'hui, les uns étant la simple évolution de l'autre. Scorsese oublie de faire du cinéma et ça fait toute la différence : malgré la qualité de sa mise en scène et les éloges des critiques, "Les Affranchis" est un film chiant, qui met bien lumière les lacunes du cinéaste, déjà présentes dans ses précédents films.