Pour son premier film, la réalisatrice et scénariste Chloé Zaho nous emmène à la découverte d'une réserve indienne du Dakota, dans laquelle elle a vécu durant quatre ans. Les paysages sont magnifiques, au contraire des conditions de vie dans cette communauté gangrenée par la drogue et l'alcool. Ce regard rare sur un des visages de l’Amérique, fait plus figure de documentaire, que de long-métrage, surtout avec son style plus contemplatif, que narratif.


Johnny (John Reddy) vit dans une réserve indienne avec sa petite sœur Jashsaun (Jashsaun St. John) et leur mère Lisa (Irene Bedard). Il revend de l'alcool, alors qu'elle est prohibée en ce lieu, afin d'acheter une voiture et partir à LA, avec sa petite amie. Le décès de son père, va bousculer ses projets, mais aussi perturber sa sœur.


L'histoire se déroule durant l'été, alors que Johnny s'apprête à faire son passage dans le monde des adultes. Il rêve de LA, d'un avenir loin de cette réserve ou la vie tourne au ralenti. Il vit de petits trafics, comme la plupart de ceux qui habitent en ce lieu où la joie semble avoir prit la fuite. Ceux qui restent, se perdent dans l'alcool et la drogue, pour oublier leurs quotidiens. Les plus jeunes ont presque le même rêve : devenir des monteurs de taureaux, puis avoir leurs propres ranchs. On retrouve aussi une vétérinaire, mais surtout une avocate et un boxeur. Des exceptions, tant l'amour de la nature semble ancrée en eux.


A travers le portrait de cette jeunesse, Chloé Zhao tente de répondre à la question : Comment quitte-t'on le seul endroit qu'on a jamais connu ? Un lieu où tout le monde semble être parents, à l'image de ce père décédé, qui a eu 25 enfants avec 9 femmes différentes. L'ennui est un ennemi pour eux, tout comme l'absence d'une figure paternelle. A l'image de Jashaun, observant ce monde de ses yeux innocents, même si elle évolue au milieu d'adultes peu recommandables, du moins en apparence. La violence plane constamment sur eux, elle est tout autant sociale, que physique, où la loi du plus fort, reste toujours ancré en ses terres, comme ailleurs.


Pour rendre son film réaliste, Chloé Zhao met en scène des habitants de la réserve et adapte son récit aux événements réels, comme l'incendie de la maison de la famille de Jashaun St. John. Cette dernière va découvrir sa grande famille et chercher une épaule pour combler le départ de son frère. Le titre fait référence à cette recherche, à ce besoin d'avoir une figure masculine auprès d'elle. Les personnages sont attachants, malgré leurs comportements autodestructeurs. Cet aperçu de la vie dans cette réserve indienne sans misérabilisme, évite les clichés inhérents au genre.
Malgré son indéniable charme, le film se perd dans ses superbes plans, en ne racontant pas grand chose, car finalement il ne se passe rien dans cette réserve donnant l'impression d'être coupée du monde. C'est beau et triste à la fois.


Le film a le mérite de parler d'une certaine Amérique avec pudeur. La forme est souvent magnifique, comme un nuage de poussière ou un coucher de soleil, au contraire du fond. Certes, c'est intéressant de découvrir cette réserve et ses habitants, on est en empathie avec eux et les acteurs sont parfaits, mais il manque cette profondeur narrative, permettant de rendre le récit plus captivant. Le temps semble parfois long, comme il est pour eux. Cette immersion souffre de sa lenteur et d'une absence d'un scénario plus élaboré.

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le 12 sept. 2015

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Laurent Doe

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