J'ai vraiment envie de défendre ce film, et ce pour plusieurs raisons.
D'aucuns reprochent à Cronenberg un certain manque de subtilité, il n'en est rien, parce que Maps to the stars est tellement plus qu'un pamphlet trash à l'encontre d'Hollywood.

Comme d'habitude depuis A Dangerous Method, Cronenberg opte pour une mise en scène glaciale (accentuée par l'absence quasi totale de bande son) très loin de ses classiques et de son obsession pour le rapport au corps, à la chair (mais le film reste sur plusieurs points très cronenbergien, de par les brulures de Mia Wasikowska ou par son rapport à la sexualité, la scène dans la limousine entre Pattinson et Moore rappelle d'ailleurs clairement Crash). Et on ne peut que saluer ce parti pris, car la radicalité formelle du film renvoie d'emblée quelque chose de malsain: Hollywood est aussi lisse que la photo numérique du film, c'est comme si ce microcosme végétait en même temps que les plans avares en mouvement de caméra qui composent Maps to the Stars.

Et dans ce microcosme statique s'agitent de véritable monstres qui tranchent avec la froideur de l'œuvre. Parce que les personnages que met en scène Cronenberg sont tout simplement ignobles, corrompus, malsains (et consanguins). Détachés des préoccupations du commun des mortels, il semblent vivre et agir comme de véritables figures mythologiques (à voir la scène aussi drôle que terrifiante où Julianne Moore -excellente, mais est-il nécessaire de le souligner?- se réjouit en chanson de la mort du fils de sa rivale). Ils ne vivent que pour le cinéma, aussi indifférents aux rapports humains les plus basiques que leur écrans plats (rares objets dans de gigantesques demeures sans livres ressemblant à des palais antiques ultramodernes tout entiers destinés à protéger le maître des lieux), c'est peut être pourquoi les personnages ne dialoguent jamais au sein du même plan.

Mais voilà, les stars ne sont pas des divinités grecques, la grande mythologie tombe à plat dans un monde qui reste humain car ces personnalités ne peuvent s'empêcher de vieillir, et subissent les conséquences de leur consanguinité. Le personnage de Wasikowska (dont il faut pour le coup souligner la performance, une actrice en passe de devenir immense) symbolise ce rappel, déjà par ses brulures, témoignage organique de l'appartenance de ce monde à la réalité humaine, et par sa violence elle ramènera cruellement ces divinités de pacotille à la réalité. Son jeune frère est également un témoignage de la dégénérescence de ce milieu, dont il est le pur produit : drogué, paranoïaque, mégalomane et surprotégé, le tout à seulement 13 ans (et tant qu'à faire, soulignons la prestation d'Evan Bird, parfait dans ce rôle autant par son jeu que son physique). Alors comment se libérer de ce milieu consanguin et corrompu jusqu'à la moelle? En rappelant Hollywood à la réalité de la chair (et c'est pourquoi ce film est purement Cronenberguien), en faisant jaillir le sang de la face en plastique de Julianne Moore. Et puis en mettant fin à ce système en implosant avec lui, les yeux levés vers les véritables étoiles, un poème de Paul Eluard en tête.

Est-ce caricatural? Pas tant que ça, Maps to the stars a des allures de fable intemporelle, d'objet de fascination, au même titre qu'un Mulholland Drive, reproche-t-on à La Nuit du Chasseur de faire de Mitchum un méchant unilatéral? Ce Cronenberg est au moins aussi fascinant que les meilleures œuvres du réalisateur.
JohnnyBlaze
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le 31 mai 2014

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