Masaan, premier long métrage de Neeraj Ghaywan, a été récompensé à Cannes par la sélection Un Certain Regard. Le film suit et mêle les destinées de quatre personnages issus de différentes classes sociales de la société indienne. Il insiste beaucoup sur sa noirceur et la quête des personnages vers un meilleur destin. Résultat, le film est tiraillé entre modernité et archaïsme, mais s’éparpille entre plusieurs petites histoires censées se rejoindre. Le film souffre vraiment de son insistance pesante sur le déterminisme social des personnages, pris au piège par des désirs trop grands pour eux ou des engrenages malheureux. Le film est très démonstratif, jusque dans ses dialogues et sa mise en scène. Masaan n’est pas un mauvais film, mais il laisse une impression d’inachevé pourtant baigné dans une surenchère de « malheurs » censés émouvoir, mais le tout manque de recul.


A Bénarès, on brûle les morts tout en aspirant à une vie meilleure, pourtant impossible à atteindre tant dans Masaan tout s’acharne sur les personnages pour les maintenir sous l’eau. Cette ville représentée ici avant tout pour son fort sens des traditions est un théâtre des mœurs et de la jeunesse, un lieu où l’on se perd non géographiquement, mais psychologiquement. Le problème principal de Masaan est qu’il s’adresse à un public occidental ciblé et veut trop en dire de la situation de l’Inde et du poids de ses traditions. Enrobé dans une photographie de carte postale et des situations très dramatisées, le film peine finalement à toucher ou même émouvoir tant son réalisme est calibré pour faire passer un message. Certes, ce réalisme-là, très travaillé et en même temps sincère, éloigne Masaan des films Bollywoodiens dont on a l’habitude, mais cette histoire croisée ressemble à un assemblage de scènes démonstratives qui peinent à faire un film cohérent du point de vue du cinéma. Le film accorde finalement trop peu de temps à chacun de ses personnages pour qu’on sente vraiment toute la force de ce qui leur arrive. C’est assez flagrant dans la mise en place plutôt stéréotypée de l’histoire d’amour entre Deepak et une jeune fille issue d’une caste supérieure. L’histoire est présentée comme dévastatrice par son issue, mais l’amour en lui-même n’est retranscrit que trop timidement à l’écran pour nous convaincre. A l’arrivée, Masaan est un film ambitieux, mais trop formaté pour vraiment captiver le spectateur ou donner à ressentir un pays aussi complexe que l’Inde, même celle vue de l’occident.


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eloch
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le 26 juin 2015

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