Mean Guns
4.3
Mean Guns

Film de Albert Pyun (1997)

Albert Pyun est un réalisateur aux multiples facette, bien plus complexe et doué qu’il n’y paraît de premier abord. Il faut bien avouer qu’on a souvent eu la critique facile à son sujet face au minimalisme de ses productions qu’il tournait à la chaîne à un rythme stakhanoviste. Ses bons films se comptent sur les doigts d’une main, mais si son travail fût autant déprécié, c’est aussi en partie à cause de la misère des éditions DVD recadrés en 4/3 qui prennent désormais la poussière dans les étales et bacs des Cash Express et qui ne permettait pas toujours de rendre réellement hommage au travail de sa mise en scène ou à la photographie de son chef-op largement réévalué depuis. L’injustice est désormais réparé avec ce Mean Guns qui fût comme la plupart de ses autres films tourné en cinémascope. Christophe Lambert qui avait déjà eu l’occasion de collaborer avec lui dans le cadre de Adrénaline ne tarissait pas d’éloge à son sujet en le qualifiant de grand réalisateur. Son interview permet d’ailleurs de mieux comprendre ce besoin compulsif de tourner et de changer vite de projet, le cinéaste étant un grand enfant amoureux de cinéma qui s’ennuyait assez vite et préférait travailler de cette façon sur quelques jours à rythme acharné plutôt que sur un mois entier. Il trahira rarement cette règle, si ce n’est pour une petite poignée d’œuvres tel que Cyborg avec Jean Claude Van Damme. C’est sans doute aussi pour cette raison que le cinéaste a préféré oeuvrer dans le monde du DTV alors que son savoir faire le destinait pourtant à celui de la série B. N’oublions pas que le cinéaste fût quant même introduit par un certain Toshiro Mifune lors d'un stage au Japon.


L’histoire comme souvent tient sur un timbre poste, on réunit 100 tueurs à gages dans une prison flambant neuve (une vrai qui était sur le point d’être inaugurée) et on les fait s’entretuer contre la promesse d’un jolie butin à la clé pour celles et ceux qui survivront tout du moins à cette mécanique de prédation. Dès son introduction, les participants se jettent sur les armes éparpillés au sol comme sur une corne d’abondance pour pouvoir en découdre rapidement et s’accorder les meilleures chances de survie. Les plus sournois s’écarteront pour leur tirer dans le dos, et les dures les vrais préféreront s’emparer d’une batte de baseball pour se frayer un chemin dans la mêlée en brisant du gangster à la chaîne. Les affrontements sont d’ailleurs plutôt bien chorégraphiés et c’est limite si on entend pas les cottes se fêler et les nuques se briser. Des alliances de fortune vont se former et des amitiés vont se briser, voilà qui promet un sacré divertissement, 110 minutes durant, bien que le rythme vacillera quelques peu après quand le plus gros contingent aura été massacré pour s’étirer dans une partie de cache-cache à couteaux tirés ponctué de palabres philo et de punchline de vrai desperado. Le casting est un véritable défilé de gueules patibulaire et de femmes fatale. Quelques un sortent du lot comme Michael Halsey que l’on a déjà vu dans le passé en second couteau, ici il crève l’écran notamment avec ses traits marqués et son regard perçant. Christophe Lambert se défend bien avec ses cheveux peroxydés et son petit rire sardonique en interprétant un chien fou comme lui seul en a le secret (on pense notamment à Subway du gros Luc Besson). Ice-T livre de son côté sa meilleure interprétation, il n’en fait jamais trop ni pas assez et cela en seulement un jour de présence, et alors qu’il ne fera jamais réellement face à Lambert, ce que l’on ne perçoit même pas à l’écran, cela tient en partie du fait que Mean Guns est certainement l’un des films les mieux monter de Pyun, et même l’un de ses meilleurs, ni plus ni moins.


L’un des autres points fort du film tient au travail de son directeur de la photographie George Mooradian qui parvient encore à faire des miracles avec seulement quelques éclairages et une pellicule expérimentale qui donne à l’image cet aspect métallisé tandis que l'utilisation des filtres bleutées évoquent clairement la photographie des films de Michael Mann. Un choix opportun dans le cadre de ce polar burné dans la veine lignée d’un John Woo, avec un peu moins de grâce et de finesse dans les acrobaties et la gestion de l’espace certes il est vrai. Certains n’ont pas compris pourquoi le réalisateur avait voulu coller une gamine dans ce casting. Christophe Lambert non plus, et il confessera que cela n’était que pour apporter une touche d’innocence dans un tableau de chasse envahi de douilles encore fumantes et de cadavres gisant au sol. Cette effet recherché trouvera néanmoins du sens dans l’intrigue grâce à une série de flash-back disséminés qui trouveront une résonance Léonienne sur la fin. D’ailleurs, on y trouve quelques références à l’univers du western spaghetti notamment dans cette façon de reproduire certains cadres et effets visuels avec des lentilles anamorphiques ou bien avec ses duels au pistolet qui aboutissent parfois à des impasses mexicaines. Côté gunfight, on a connu le réalisateur bien moins inspiré qu’ici, la caméra va même jusqu’à filer les trajectoires de balles en vue subjective, et Christophe Lambert se laisse parfois pousser des ailes dans des sauts aérien digne d’un Chow-Yun Fat des bacs à sable. D’une certaine manière, Mean Guns pourrait même se targuer d’être l’ancêtre de John Wick avec ses ramifications au coeur d’un réseau de tueurs à gage travaillant pour une gigantesque omerta, même si le principal métronome reste l’action. Comme souvent chez Pyun, la musique a une part importante, bien que parfois trop envahissante (Crazy Six, Corrupt, Les Seigneurs du Ghetto). Mean Guns ne déroge pas à la règle avec ses partitions entraînante qui tranchent souvent avec ce que l’on voit à l’écran pour créer un décalage amusant comme le fera d’ailleurs souvent Tarantino au cours de sa filmographie. Le choix du mambo sied particulièrement bien à ces nombreuses mises à morts et chorégraphies, comme ci les acteurs cherchaient à se caler sur le bon tempo ou à danser une valse mortelle en arrosant le décor de plomb et de chevrotine, même si là encore, cela aurai mérité d’être d’avantage plus développé. Mais ne crachons pas sur ce DTV car arriver à tel résultat en à peine 5 jours de tournage tient plus que du simple miracle mais d’un véritable savoir faire d’artisan bien trop longtemps ignoré.

Le-Roy-du-Bis
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le 6 févr. 2024

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