Buy Hard

(C'est un très long pavé, vous n'êtes pas obligé de tout lire, mais ce n'est pas impossible qu'il y ait une photo de Jodie Foster à poil glissée quelque part dans le lot. Si vous ne lisez pas, vous ne saurez jamais).

Money Monster, de Jodie Foster (2016). C'est un bon film, mais en même temps, c'est pas un bon film.
Allez, salut!
Non, je rigole, je vais quand même m'expliquer. J'ai passé un bon moment devant ce film, et si je lui met 5, c'est parce qu'il me procure un sentiment fascinant: je le trouve à la fois très prenant, offrant une histoire intéressante et sachant bien cultiver la tension (j'y reviens plus tard)... mais aussi très chiant.
Commençons par là: le film n'est pas "raté", hein: Tout marche, tout fonctionne, mais il n'y a aucune personnalité, le film est tristement anonyme. Tout est extrêmement convenu, surtout le découpage et le montage (ce qui d'ailleurs est encore pire, à mon sens, que lorsqu'ils sont trop excentriques, car quand c'est convenu ça passe tellement naturellement qu'on ne voit pas qu'il n'y a en fait aucune valeur narrative, comme c'est le cas ici. Diable, quelle fourberie). Les personnages, en particulier, sont terriblement plats: Clooney et Roberts font office de mega-stars qui attirent les spectateurs mais ne leurs offrent pas de véritable performance. Je passe sur les autres personnages, c'est pareil, ils servent à que dalle et/ou sont chiants comme la pluie (mention spéciale à Ron Sprecher, c'est une tafiole qui geint tout le temps et ne sait pas prendre de décisions, et ils l'ont conçu comme un producteur de télé??). Je passe aussi sur le scénar, qui est un gruyère, s'il fallait pointer du doigt toutes ses petites incohérences on y serait encore au festival de Cannes 2017.
Donc voilà: à priori, same old stuff, film Hollywoodien, passez votre chemin madame, y'a rien à voir.

Mais.

L'histoire est vraiment, vraiment cool. On pourrait penser qu'au final elle est plate, entendue et linéaire, mais si on creuse un peu, elle est en fait très puissante.
Comment? Jtesplik.
En fait, je dirais que ce film est un film bourgeois.
"Oh!"
Nan mais attends. On sent la grosse production Hollywoodienne financée, tournée, puis récoltée, un rayon de plus dans la roue du box-office qui tourne à l'infini et qui se préoccupe peu de ce que le spectateur pense de lui. Vous allez me dire que des films comme ça, il y en a à la pelle, et c'est bien vrai. Mais pour un film qui a un message anti-capitaliste (pas très agressif certes mais bien présent), il est quand même vachement froid, comme ça! On se le répète tout le temps: le public d'aujourd'hui ne cesse de devenir de plus en plus lettré et artistiquement éduqué, les codes d'hier ne font plus mouche aujourd'hui. Les films qui aspirent à nous provoquer, nous émouvoir, doivent toujours redoubler d'effort.
Donc en fait Money Monster c'est un énième étron de producteurs cupides qui en ont rien à foutre de l'art et de la créativité?
Pas sûr. Et c'est là que je crois que le film pétille vraiment: il a raté son coup, mais il fait cet effort. Il essaye de nous émouvoir, de nous provoquer, contrairement à bien des films de sa catégorie qui ne font pas cet effort et qui se contentent de dépenser et gagner beaucoup. Et du coup, ça donne envie de suivre l'histoire, et ça crée une tension très forte (j'y suis revenu), non seulement car on veut suivre l'intrigue, mais aussi car subconsciemment on a envie de voir ce que ce film a dans le ventre et qu'il essaye de montrer.
Malheureusement, on lui a imposé une forme très classique par erreur de jugement. De la part de Jodie Foster? Je ne sais pas, je n'ai pas vu assez de ses films pour savoir si elle est en proie à la manipulation des studios. En tout cas je pense qu'on était pas loin d'un film d'action politico-social d'une grande intelligence doublé d'un pur divertissement à la testostérone sur son lit de badass. Imaginez ce film entre les mains de John McTiernan, par exemple... Mon dieu.
Je pense sincèrement que c'était l'ambition de ce film (d'ailleurs j'avais testé de réécrire son synopsis en mode Die Hard ici mais ça commençait à être vraiment trop long), et quand on voit la quantité de films qui ne sont que des hameçons à fric Hollywoodiens de la pire espèce de gentrification du cinéma, moi, ça me fait sourire.
Donc en fait c'est un bourge, mais sensible à la dure labeur du cinéphile, et cherchant à l'aider même s'il s'y prend maladroitement. C'est beau.

PS: Bon, pas de Jodie Foster à poil, je l'avoue. Mais sachez que vous pouvez débattre du film avec elle en personne, dans la langue de Molière! La preuve en images.
Allez, salut.