Le bon, la brute et le Kurdistan
Aah comme j'avais envie de voir ce film ! Et comme je n'ai pas été déçu. Aussi, dès qu'il s'agit de dénicher le film sorti des recoins de steppes de Transoxiane ou d'ailleurs, je ne suis pas en reste. Et pour une dernière semaine de projection, la salle était encore bien remplie...
Bref, le film. Un western spaghetti se déroulant au nord-est de l'Irak, dans ce qu'on pourrait appeler le Kurdistan (non reconnu actuellement par la plupart des Etats). Baran se mute lui-même dans un petit village en tant que commandant de police, sans savoir que c'est également le village où Govend, une belle et jeune institutrice, a décidé d'apporter sa culture et son intelligence au service des jeunes enfants de ces steppes reculées. Mais pourquoi est-ce un western ? Parce que Hiner Saleem, le réalisateur (et aussi le photographe dans le film), a déplacé à peu près tous les codes des westerns américains dans un village frontalier irakien. Et bon dieu, ça marche ! Un semblant d'exécution en tant que scène d'introduction, dont on ne sait pas si on doit éclater de rire ou être effrayé, des duels de regard et de flingue à tout bout de chant, un "boss" local faisant régner sa loi et un nouveau shériff en ville : bref, fans de western, foncez !
Mais ce qui fait la force du film, c'est avant tout la romance progressive qui se développe entre Baran et Govend (magnifique Golshifteh Fahrani) : on pressent qu'ils vont finir ensemble au moment où ils se rencontrent, lorsqu'elle monte sur son cheval. Et leurs points communs sont flagrants : on suit leurs deux histoires, drôles et moins drôles, en parallèles, et pourtant si proches. Leur famille respective cherche à les marier, eux veulent leur liberté. Tous deux luttent contre Aziz Aga, le boss corrompu, et se débattent pour faire régner l'ordre dans une démocratie naissante. La relation qu'ils créent entre eux est juste adorable, et on se surprend à sourire lorsqu'ils se regardent langoureusement, Baran chantant une ode à la lune, et Govend muette d'admiration.
Et quelle photographie ! Ce réalisateur mérite une Palme ! Mon cheval pour une Palme ! Un Ours, une Mostra que sais-je ! En attendant de voir Winter Sleep de Ceylan, on a My Sweet Pepper Land et ses montagnes splendides, ses couchers de soleil rougeoyants, ses grands angles donnant une part plus qu'importante au ciel, comme si ce petit village était un bout de monde, où tout reste à construire.
Entre rire (le début est très drôle) et western (le shériff et l'ordre !), My Sweet Pepper Land ravira tous les amateurs et permet de faire circuler un peu plus le cinéma moyen-oriental, à qui il reste tant à donner.