Oeuvre en somme minimaliste, Only God forgives est un film audacieux. Tout d'abord, là où l'on peut le taxer d'une mouvance hype, une BO étonnante qui ne dénature pas le récit mais l'enrobe, l'accompagne et lui confère une dimension certaine, ensuite un choix chromatique certain, à tendance rouge, qui évoque la violence, la sang et le recouvrement des autres teintes. Je ne souhaite pas m’éterniser sur ces choix esthétiques que nous pouvons retrouver dans une myriade de films mais là ces qualités sont au moins au service de l’oeuvre.
*spoil*
Only Gods est la description d’un piège, celle de l’impossibilité de voir nos attentes réalisées, celle du «héros» qui est devenu un héros échoué, englué dans sa destinée navrante, un looser pré-natal, un homme que l’on souhaiterait vaincre, mais qui comme lors de la scène de combat, ne touche pas une seconde son adversaire.
Julian reste ce protagoniste auquel nous nous attachons par défaut, les autres sont abjectes, violents et sans pitié. Lui seul représente à un moment l’humanité, le pardon, dès lors qu’il laisse aller l’assassin de son frère, celui-ci ayant justifié ses raisons. L’empathie se met alors en place.
Le retour de la mère est le retour inexorable de sa destinée, de la tragédie qui va suivre inexorablement.
Qui est-il ? Il serait venu monter sa salle à Bangkok et looser, aurait amené son frère à venir le secourir, rêve financé alors par la drogue. Voilà ce que nous laisse comprendre le récit. La qualité est là, finalement une part d'interprétation nous laisse déduire ou imaginer le non-dit. Cette famille n’a pas sa place et la violence du frère aîné sera sanctionnée par la loi du milieu et la vendetta tournera à l’échec de manière évidente.
Ce piège d’un homme ne sera délivré que lors de la sanction finale (seule scène extérieure, le vert naturel, image de la rémission, du pardon), une fois débarrassé de tout lien familial, de la mère castratrice qui préférait le frère et n’a perçu de ce fils que l'échec non-avorté, la scène de la main dans les parties ventrales de cette dernière éventrée peut être dès lors comprise, malgré le rejet qu’elle cause...
Je ne vois pas en quoi le film n’est pas homogène, cette oeuvre a une cohérence et une puissance propre qui ne laisse pas indifférent, soit le rejet soit la fascination.
Sur ce plan, Drive était, dans cette optique, moins abouti, le héros était déjà un looser mais qui réussissait au moins à rétablir l’ordre pour finalement refuser la récompense de son destin, et là nous allons plus loin : voir même inverser l’optique, la tentative héroïque ne peut finir que très mal et dans le choix du pardon (ne pas tuer l’enfant innocent) le salut est évoqué : ne sont coupés que les membres, la vie est laissée une fois la sanction tombée.
Je comprends dès lors le rejet de ceux qui avaient aimé Drive. Nous avons perdu ici les références cinématographiques qui donnait place à un genre aimé, Drive avait un parfum de Cohen et de Tarantino, avec les mêmes fragrances de violence.
Dans la scène du combat où Julian n’a aucune chance de toucher son adversaire, le réalisateur nous laisse comprendre que, définitivement, nos espoirs sont désuets, nous ne serons pas servis de contentements héroïques, de jubilations vengeresses.
Sans parler de «grand film», celui-ci, dans le décor des dernières oeuvres vues, a été un petit rayon de soleil de ce que je ne peux percevoir que comme une réalisation audacieuse, un parti prit certain, loin d’une possible reconnaissance publique facile, loin de l’héroïsme ou super-héroïsme ambiant que nous pouvons retrouver jusque dans Gravity, loin des box office à n’en plus finir.
Non, le cinéma peut être aussi ce choix d’un récit à moitié suggéré, où le thème de la violence est contenu pour exploser en éclats et en démontrer l’absurdité, le non-sens, et ce peut être un jeu avec le spectateur ; ce choix aussi de laisser croire qu'ici seront abordés les thèmes boxe thaï, la sexualité latente et envoutante des magnifiques asiatiques, ne fera que nous tromper, et nous arriverons à un autre réel...
Je peux comprendre toutefois que certains se soient senti piégés, mais n'est-ce pas le propre du cinéma que de surprendre et de ne pas nous laisser décider de la direction des événements ?...