Vous qui entrez ici en attendant une nouvelle adaptation du film de Walt Disney ou un re-remake de celui de P. J. Hogan, abandonnez tout espoir. Car Joe Wright n'en a de toute évidence que peu à faire, de vos attentes. Car s'il reprend pas mal d'éléments et l'esprit de l'histoire originale, Wright les a cependant secoués très fortement dans un shaker. L'esprit est toujours là, prégnant et au fort pouvoir de ravissement. Mais des personnages sont absents (Wendy, la Fée Clochette) et d'autres changent de fonctions (Crochet, Tiger Lily). Cela fera certainement hurler à la lune les puristes dans un cri de rage et de dégoût.


Mais à la sortie de la salle, et pendant toute la projection d'ailleurs, un seul mot est sorti de ma bouche : Wahou ! Car ce que propose Joe Wright laisse presque sans voix. Ca commence un peu comme un film d'époque 1ère guerre mondiale. Ou quelque chose à la Oliver Twist. Mais rapidement, le merveilleux fait irruption grâce à un bateau volant incroyable dans une scène renversante. Puis le réalisateur enchaîne sur un véritable dogfight surréaliste. Avant de changer de nature est de travestir Pan en un bref opéra rock où des enfants chantent du Nirvana sur fond d'exploitation minière inhumaine en quête de poussière de fée. Puis sur du Ramones, qui accompagne le jeune Pan sur la classique scène de planche de salut puis dans une chute sans fin où le héros découvrira son pouvoir. Là, on se dit que le film ose tout dans une générosité déjantée rafraîchissante que l'on ne voit que rarement, surtout dans un film pour enfant.


Juste le temps de livrer une scène spectaculaire en téléphérique dans l'abordage d'un bateau volant et on est déjà en territoire indien, aux décors luxuriants et magnifiques, aux indigènes bigarrés et mystérieux. Pan change alors totalement de registre. Si le caractère déjanté s'efface, reste une générosité de tous les instants, une envie de faire naître un plaisir énorme et régressif. De convoquer l'essence des pulps ou des films d'aventures des années 60 échevelés et denses en action. Puis c'est au tour de l'esprit du film de pirates d'être ressuscité : son aspect spectaculaire, ses duels à l'épée en équilibre sur les mâts...


Pan, c'est tout cela. Dans des décors à couper le souffle et des effets spéciaux qui en mettent plein la vue. Certains crieront à l'indigestion de fonds verts et de digital. Qu'ils prennent donc du bicarbonate de soude. Pan est tellement spectaculaire et généreux qu'il renoue avec notre enfance et parle au coeur du gamin de six ans qui vient au cinéma pour la première fois. Il ravit et enchante en actualisant de manière imparable le film de pirates ou d'aventures avec ce que la technique actuelle permet de faire et de porter à l'écran. Comme a pu le faire, au hasard, Stardust, Le Mystère de l'Etoile, de Matthew Vaughn. Tiens, il y avait déjà un bateau volant dedans...


Le spectacle proposé, d'une imagerie totalement débridée, touchera un public large : l'adulte qui passera outre son cynisme (ou sa mauvaise foi), comme l'enfant dont il ravira l'imaginaire par son foisonnement. D'ailleurs, Pan considère l'enfant comme un véritable spectateur un peu intelligent, et non comme un imbécile tout juste bon à faire délier bourse à ses parents. Car Pan, avec son discours simple sur le croire en soi qui n'est pas surligné trois fois au Stabylo, nous venge de quasiment vingt années de Narniaseries culs bénis hypocrites où la mort n'est qu'un avatar passager, de Harry Potter pseudos dark mais surtout niais sous la houlette de Yates le transparent, ou encore de Voyage au Centre de la Terre bêtas et crétins (le 2ème). Il propose de quoi émerveiller, frissonner (un peu) et se délecter. Le tout est porté par la musique puissante et instantanément classique d'un John Powell en état de grâce. Le film, en outre, peut compter sur une 3D excellente et racée que l'on n'a pas vu à pareille fête depuis Dragon 2, élevant le film sur les cimes de l'exaltant et de l'enchanteur, faisant de la scène finale un véritable trip échevelé.


Joe Wright est un type sympathique et qui a tout compris à l'entertainement. Certes, les puristes dessineront certainement une cible dans son dos et mettront sa tête à prix pour avoir osé toucher de la sorte à James Matthew Barrie. Mais c'est un peu vite oublier qu'il a réussi à conserver l'esprit de l'oeuvre, son extraordinaire pouvoir sur l'imagination et sa richesse, livrant avec Pan un film superbe, magnifique et généreux. Il est d'autant plus injuste et incompréhensible qu'il soit en train de boire la tasse aux Etats-Unis, taxé de four monumental qui mettrait déjà en péril les finances de la Warner. D'ici à ce qu'il soit réévalué dans une dizaine d'années...


La note paraîtra beaucoup trop haute à certains. Tant pis. Elle reflète avant tout ma respiration que j'ai retenue pendant la séance, comme l'incroyable et immense plaisir ressenti, comparable à celui que m'a procuré le déchaînement de Mad Max Fury Road. Rien de moins.


Je terminerai cette critique sur une dédicace à l'ami Didjeeridoo pour lui dire qu'il avait raison. Rooney Mara, elle est très jolie...


Behind_the_Mask, sur le cul.

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le 18 oct. 2015

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