"Papicha", ou quand une superbe histoire vraie n'en est pas réellement une

Présenté cette année à Un Certain Regard, "Papicha" sortira le 9 octobre, et il faut bien le dire, j'ai cru pendant une bonne heure qu'il avait plus que mérité ses prix récemment récoltés à Angoulême et son gros buzz sur la Croisette.


En effet s'il n'y avait cette seconde partie qui s'occidentalise très très fort, en mode "The Full Monty" et description par le menu du sort des femmes face à la montée de l'intégrisme islamiste, il resterait une œuvre immense filmée au plus près des peaux, un sublime manifeste féministe en terrain hostile, une gifle d'une sensualité absolue, avec un sens de la mise en scène parfait jusque dans les silences qui tétanisent, une BO qui électrise, un truc qui vibre, qui sent le besoin et non la simple envie de parler, ou plutôt de crier.


Je crois qu'on tenait là un mix parfait entre "Much Loved", "La Belle et la meute" et "Mustang".


En résumé j'en veux à Mounia Meddour de ne pas avoir tenu le grand film qu'elle était en passe d'offrir, et de m'obliger, avec le recul, à préciser que contrairement à ce qu'annonce le carton d'ouverture il ne s'agit pas vraiment d'une histoire basée sur des faits réels, car si elle a respecté le contexte historique, celui de la «décennie noire», si ces femmes résistantes ont bel et bien existé et subi le pire, tout ce qui électrise la salle n'est que romance : pour ne pas divulgâcher je n'en dirai pas plus mais la terrible scène de fin n'est qu'invention, tout comme la passion de Nedjma pour la mode. Je n'en voudrai jamais à un créateur de travailler le ressort dramatique mais cette façon de «tromper» le spectateur me semble tout de même problématique.


Comme à mon habitude je note par rapport à mon ressenti pur, sur l'échelle du plaisir en quelque sorte, mais cette manière de tordre les faits pour provoquer l'adhésion peut éventuellement pousser à relativiser la qualité de ce "Papicha".


NB : En revanche une chose n'est en rien à relativiser, il s'agit de l'immense talent de Lyna Khoudri, le magnétisme qu'elle exerce, que j'avais déjà repéré dans le magnifique "Les Bienheureux", est total, et l'intensité de son jeu saisissant.

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le 29 sept. 2019

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takeshi29

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