Dans une pension d'actrices quelconque, un bastringue mélodieux se laisse entendre. Les commérages fusent, les papotages s'enchainent ; l'oublié silence s'éclipse et abandonne sa mélopée angoissante , les mots font la vie et galvanisent les pièces, les compliments valsent avec les invectives.
Là où Stage Door brille le plus, c'est bien dans ses dialogues. Aussi nombreux que les occupantes, ils prolifèrent sans fausses notes et déploient la caractérisation des personnages avec une touchante sincérité.

Et du caractère, ces femmes en ont. Entre la peste au grand cœur, celles où la répartie parsème chaque raillerie, l'entière dévouée à sa passion : un amas d'échanges pour une complainte harmonique. Car si ces actrices à en devenir inondent les lieux de leur ironie constante, c'est pour mieux occulter leurs doutes et leurs inquiétudes.

Ce sont des femmes fortes que nous montre La Cava. Absorbées dans un milieu saturé où le succès est aussi rare que qu'illusoire, étouffées par la concurrence, la concupiscence des agents et les recommandations avilies par l'argent : la critique du monde du Show Business est plus qu'évidente. Mais c'est surtout leur émancipation qui est mis en avant. Des femmes qui vivent pour elles-mêmes, entre elles. L'homme n'est qu'un tremplin pour accéder à leurs désirs ; un opportunisme exploité jusqu'aux besoins de se nourrir décemment.

Rapprochement spirituel d'une Irene Dunne appliquée dans Ann Vickers de John Cromwell, ou d'un caractère vigoureux dans La chaine d'argent du même réalisateur, Katharine Hepburn est peut-être le parangon de cet affranchissement. Elle se délivre des traditions et coutumes familiales pour tenter d'évoluer par ses propres moyens. Bourgeoise par héritage, elle prend la décision de vivre parmi la classe moyenne, sans l'aide de sa famille, en vain et malgré elle. Quelle prestance elle a cette Hepburn. La relation qu'elle entretient avec Ginger Rogers est délectable, cette dernière étant au même niveau de jeu.

- Jouer, c'est mentir
- Les acteurs peut-être, mais pas moi !
- Vous êtes pire menteur que moi

Cruelle vérité lorsque les producteurs de ce milieu fabulent autant que les actrices. Et c'est pourtant dans une sincérité palpable que Hepburn dévoilera son meilleur jeu pour un final bouleversant.
Un récit qui tarde à s'amorcer, une mise en scène classique quoi qu'efficace, Stage Door se savoure néanmoins avec un immense plaisir et un grand sourire aux lèvres.

YohannBriand
7
Écrit par

Créée

le 30 août 2021

Critique lue 103 fois

1 j'aime

Yohann Briand

Écrit par

Critique lue 103 fois

1

D'autres avis sur Pension d'artistes

Pension d'artistes
PhyleasFogg
9

Au dessous des feux de la rampe

Quand le cinéphile à l'affût de petits chefs d'oeuvre jouit du plaisir d'en dénicher un, il se doit de le partager. Gregory La Cava à l'instar de Preston Sturges ou Julien Duvivier appartient à...

le 7 août 2015

6 j'aime

Pension d'artistes
YohannBriand
7

Une cacophonie mélodieuse

Dans une pension d'actrices quelconque, un bastringue mélodieux se laisse entendre. Les commérages fusent, les papotages s'enchainent ; l'oublié silence s'éclipse et abandonne sa mélopée angoissante...

le 30 août 2021

1 j'aime

Pension d'artistes
YgorParizel
7

Critique de Pension d'artistes par Ygor Parizel

Une comédie dramatique qui sous ses faux airs de screwball comedy cache en réalité une vision acide du métier d'actrice et du show-business. Il y a plusieurs personnages principaux dans ce film, car...

le 2 sept. 2018

1 j'aime

Du même critique

Ága
YohannBriand
8

Ces glaciales et pures étendues

Sibérie Arctique ; beaux paysages, immaculés de neiges, aussi impressionnants dans leur immensité que dans leur absence de vie, sublimés au sein du film par de longs panoramas et d'albes horizons. Au...

le 17 févr. 2021

4 j'aime

1

Romances et Confidences
YohannBriand
7

L'homme des années 70

« Tu es un homme des années 70 » : probablement la sentence qui résume en de simples mots la teneur du film. Ce panachage romanesque entre deux générations hétéroclites augurait déjà la fracture...

le 18 juil. 2021

2 j'aime

2

Audrey Hepburn
YohannBriand
10

La magie Audrey Hepburn

S’il me fallait unir la beauté à un nom, je ne tergiverserais quant à mon choix. Par son élégance irréfragable, aussi faste qu’enivrante ; par sa décente retenue dont la pudeur affriole l’imagination...

le 30 juin 2021

2 j'aime

3