Frustration / Relativisation

(Cette critique est plus ou moins la suite directe de celles que j’avais écrites pour le premier et second opus : http://www.senscritique.com/film/Persona_3_The_Movie_1_Spring_of_Birth/critique/34112351 et http://www.senscritique.com/film/Persona_3_The_Movie_2_Midsummer_Knight_s_Dream/critique/48506472)

Pour la première fois depuis le lancement de cette adaptation cinématographique prometteuse, je me trouve réellement déçu par ce troisième volet, qui marque selon moi un coup d’arrêt aux attentes que j’avais pu nourrir. Il convient dès à présent de mentionner qu’il ne s’agit guère pour autant d’un mauvais film, loin s’en faut. Si l’on se détache de la comparaison avec le jeu, il est même bien. Cependant, toute personne y ayant joué ne pourra que constater à quel point l’immense potentiel du segment couvert par Falling Down n’aura été que peu ou mal exploité, lui laissant une impression de « aurait pu mieux faire » particulièrement lancinante.

Le principal reproche que je lui adresserais, est la vitesse avec laquelle le premier quart du film est expédié. Si Midsummer Knight’s Dream avait bénéficié d’une judicieuse ellipse pour débuter de manière opportune, nous sommes cette fois-ci parachutés d’emblée au milieu de l’action, avec une situation pouvant peut-être prêter à confusion pour quiconque n’aurait pas joué à Persona 3. Mais ce qui s’avère d’autant plus problématique, c’est que certains de ses évènements majeurs intervenant peu après semblent bâclés aux yeux du joueur, et probablement rushés aux yeux du spectateur qui ne connaîtrait pas le jeu. Sans aucun doute, cela vient sérieusement altérer leur efficacité.

La frustration est d’autant plus grande que des scènes moins importantes reçoivent parfois un traitement particulier, ou que de nouvelles a priori anecdotiques ont été rajoutées, si bien que les priorités semblent avoir été mal définies par le staff, peu aidé par la (trop) courte durée de ce long métrage, inférieure à une 1h30 (générique inclus). Un simple quart d’heure supplémentaire bien exploité aurait pu permettre d’atténuer sensiblement ces défauts, voire de les gommer là où ils apparaissent moins marqués, c’est-à-dire durant l’essentiel du film (où ils sont beaucoup moins nombreux et invasifs).

En effet, passé le premier acte trop rapidement expédié, Falling Down trouve un rythme de croisière nettement plus adapté, que l’on aurait souhaité voir tel quel dès le départ. A l’instar de Spring of Birth, les raccourcis deviennent moins dérangeants, et ne gêneraient peut-être même pas le non-joueur, tandis que les séquences les plus importantes reçoivent la préparation ou l’attention qu’elles devaient recevoir (ou du moins, à l’échelle d’une adaptation limitée dans sa durée), avec une exécution des plus réussies. Une réserve peut toutefois être maintenue à l’approche de la fin du film, mais la précipitation n’est en aucun cas comparable à celle ressentie au début.

Un point réel de satisfaction, justifiant peut-être les choix du staff (sans pour autant les compenser), réside sinon dans sa cohérence idéologique, préservant du mieux qu’il peut le discours relatif à la Mort et aux liens que nous forgeons avec les autres, si cher au jeu vidéo. Ainsi, plus que les causes et les purs évènements narratifs, a t-il privilégié les conséquences et les réactions des personnages à ces derniers. L’ajout de scènes que j’ai mentionné plus tôt, concerne ainsi des passages entre Ryoji et le protagoniste, témoin de ce parti pris, au détriment des éléments que j’ai pu jusqu’à présent évoquer.

Toutefois, et il est important de le rappeler, le film ne fait point fi de la trame en elle-même, en dépit de son traitement trop rapide de certains passages. Cette critique est essentiellement le fruit de la déception du joueur face à l’adaptation animée. Considérée indépendamment de son matériel source, en tant que film propre, elle introduit toujours des péripéties marquantes et se distingue par une intrigue de qualité, meilleure que dans beaucoup d’autres œuvres. Sans être aussi travaillés et intenses que dans le jeu, ces évènements restent présents.

Comme dans les précédents opus, Falling Down reste également un succès au niveau des production values. Les seiyuus et la photographie sont toujours aussi bons, tout comme les OST directement tirés du jeu, tandis que l’animation est bien gérée, s’avérant convenable durant la plupart des scènes, avec une fluidité s’élevant d’un cran durant les séquences plus dynamiques, notamment les combats. D’un point de vue formel ou artistique, le film s’en sort haut la main, ce qui serait injuste d’oublier pour se concentrer sur ses défauts.

Un dernier point que j’ai beaucoup apprécié, bien qu’il n’ait pu être véritablement développé, n’est autre que le traitement particulier accordé à Aigis, ainsi qu’à son lien avec le protagoniste. Le personnage a toujours revêtu une importance scénaristique et thématique plus importante que d’autres, et malgré ses restrictions de durée, le film semble s’en préoccuper.

En conclusion, Falling Down apparaît d’abord comme une grande déception aux yeux du joueur, compte-tenu du potentiel du matériel source. Cependant, il n’est guère pour autant dépourvu de scènes réussies qui sauront lui parler, et n’en demeure pas moins une œuvre objectivement bonne. Il ne vous reste à présent qu’à découvrir Winter of Rebirth, l’ultime volet de cette tétralogie, et à mon sens son plus abouti, la clôturant d’assez belle manière… Mais ce sera pour une autre critique !