Bernard Shaw revisitant le mythe du sculpteur de Galatée, normalement, depuis la comédie musicale de Cukor, tout le monde connait plus ou moins l’histoire, ou ce qu’il en reste…

Ici, version un peu supervisée par l’auteur qui écrira pour l’occasion la scène du bal de sa Cendrillon des bas-fonds, ou comment la souillon de Covent Garden se transforme en princesse du quartier des ambassadeurs…

Déjà, la fin est transformée pour donner à l’ensemble la petite touche romantique qui ne choquera pas trop le spectateur moyen et on en vient à se demander si le personnage de Freddy est bien nécessaire dans cette version des choses…

Alors oui, le film est proprement réalisé, même si sans virtuosité particulière, sans qu’on sache si le film porte vraiment la personnalité du réalisateur des Dessous de la millionnaire tant le co-auteur et interprète principal semble porter sur ses épaules tout le sel du projet…

Leslie Howard, à mille lieues de son Ashley fadasse arrive à nous faire complètement oublier Rex Harrison, c’est une merveille de le voir à ce point suer l’anglais par tous les pores de sa peau, jubilatoire de cynisme et de misogynie assumée, tonique jusqu’à l’accent et mêlant l’art de la phonétique à l'éthique la plus savoureuse. L'addiction à la diction en quelque sorte...

A ses côtés, Wendy Hiller reprend son rôle à la scène mais semble nettement plus convaincante en crasseuse de Picadilly Circus qu’en ersatz de duchesse maniérée poussant le phrasé jusqu’à la déficience mentale ou ce qui y ressemble dangereusement…

Comme toujours chez nos amis Anglais, le moindre second rôle est merveilleux, les décors sont soignés, le montage d’un certain David Lean est parfaitement efficace et l’ensemble forme un film agréable probablement un peu surestimé par mes éclaireurs et par moi-même mais qui est sauvé par un personnage principal de tout premier ordre.

Et c’est là que je me rends compte combien le professeur Higgins est infiniment plus intéressant que son sujet. Passons sur les petits commentaires sociaux qui ne voleront jamais très haut et concentrons-nous sur la seule chose qui compte réellement : ce merveilleux pédagogue qui mériterait d’être un modèle étudié par certains.

Misanthrope, brutal, cynique, méprisant, déplaisant, insensible… tout ce que vous voudrez mais la vérité est ailleurs, dans cette capacité d’entomologiste à sublimer jusqu’au dernier insecte au lieu de l’écraser d’un coup de talon, à agir finalement en philanthrope mais égoïstement, orgueilleusement et sans les formes élémentaires d’une politesse compassée et hypocrite, la bonne vieille technique du coup de gamelle sur le crâne, la seule qui compte…
Avec ça un célibataire endurci en robe de chambre qui cherche ses pantoufles ne peut être autre chose qu’absolument craquant à mes yeux, je perds tout esprit critique, je suis conquis d’avance en deux coups de cuillère à thé.

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le 14 août 2013

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Torpenn

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