Nous vivons dans un monde dirigé par l’absurde, où tout espoir de reconnaissance n’est qu’une illusion vouée à nous dresser comme de parfait moutons bien docile à la merci de nos patrons et de nos fossoyeurs. Lorsque le miroir aux alouettes se brise, et que votre garde-fou vous abandonne, plus rien ne peut s’opposer à vos pulsions meurtrières. Bill Williamson est un psychopathe frustré et aigri qui ne sait plus vraiment cacher son manque d’empathie pour son prochain. Ce qu’il passionne dans la vie, ce sont les jeux de tires en vue subjective, ou bien ses parties de paintball avec son meilleur ami, tout ce qui pourrait avoir attrait à la mort et à la violence comme le diraient certains journalistes opportunistes plutôt que de mettre en avant la facilité déconcertante avec laquelle il va pouvoir se procurer des armes ainsi que des munitions à simple porter de clic. La seule chose qui le retient désormais, c’est la dernière image qu’il va laisser de lui à ses parents qu'ils le croyaient épanoui et intégré. Profitant d’un week-end en leur absence, Bill va mettre son plan à exécution affublé d’une armure intégrale en kevlar.


Cette petite ville paisible de L’Oregon va ainsi devenir le théâtre affligeant d’un carnage à faire pâlir les duellistes de Tombstone. Les victimes du bourreau vont tomber par centaine comme les douilles de ses munitions, au rythme des percussions de ses armes automatiques. Les mises à morts sont aussi nerveuses que la réalisation porté caméra à l’épaule, et aucune force d’opposition armée ne sera en mesure de faire barrière au massacre. Il est parfois sidérant de constater la cruauté abjecte dont fait preuve le tueur, lorsqu’il feint d’épargner les clientes d’un salon de coiffure avant de revenir les achever à bout portant. A l’inverse, dans l’un de ses rares moments d’égarement, il préfèrera laisser en paix les résidents d’un EHPAD qui ne vont même pas chercher à la calculer, complètement zombifiés par leur bingo. Outre le propos foncièrement provocateur et nihiliste du long-métrage, on sent bien qu’Uwe Boll tente de régler ses comptes avec la société et les critiques qui l’ont tout le temps considéré comme le pire réalisateur en activité.


Uwe Boll est finalement surtout connu pour ses désastreuses adaptations filmiques de jeux vidéos tel que House of the Dead, ou Alone in the Dark. Rampage est donc un film qui reflète bien la personnalité de son auteur, cet éternel misanthrope insatisfait au majeur levé adressé à la société, aux institutions et à Hollywood dont il rêva secrètement d’accéder, jusqu’à créer le buzz médiatique en organisant des combats de boxe avec ses détracteurs tout en leur omettant son passé de cogneur pour mieux leur faire avaler tout sa rancœur à grands coups de poings dans la gueule. Envoyer un mineur dans les cordes avant de lui faire avaler le tatami, c’est bien du Uwe Boll dans toute sa splendeur. Une fois gratter la surface de ce drame sociologique marchant sur les traces de Elephant de Gus Van Sant grâce une lente exposition s’intéressant au quotidien aliénant d’un jeune désoeuvré, on se retrouve face à une série B d’action bourrine, méchante et hargneuse, teinté de rancœur et d’amertume. Le réalisateur choisit de remettre la question du second amendement au centre du débat, quand les médias préfèrent pointer du doigt la responsabilité moral du 10ème art. Le message tout comme la froideur d’exécution manque clairement de finesse, mais c’est justement ce qui fait tout le charme de Rampage Sniper en Liberté, d’autant que pour une fois, l’humour frondeur de son réalisateur fait enfin mouche, quant au propos, celui-ci fini par atteindre sa cible en plein dans le mille, puisque le tueur de masse cherche avant-tout à faire le high score meurtrier le plus élevé possible, justement comme dans un jeu vidéo.

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le 26 mars 2023

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le 14 févr. 2024

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