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Quand on quitte Rocky Balboa à la fin de Rocky II , l’étalon italien a atteint le sommet sportif et conjugal, mais une question se pose à Sylvester Stallone décidé poursuivre la saga dans un troisième volet (exercice encore assez inédit pour l’époque en tout cas pour les productions de prestige ) comment continuer la saga de l’éternel Under dog désormais champion ? En cette année 1983 Sly Stallone est lucide, il a conscience qu’il ne fait qu’un dans l’esprit du public avec son personnage or celui-ci sait parfaitement que la vedette vit désormais dans l’aisance que lui confère son rang de star, impossible donc de ramener les Balboa dans le Philadelphie populaire comme si de rien était. Sa vie ayant toujours nourri son art il fait de ce troisième volet la chronique des conséquences de la célébrité sur son héros . Dès le générique des images d’authentiques passages de Sly dans les talkshows US se mêlent à des séquences qui étalent le luxe de la nouvelle vie de la famille Balboa. On ressent en filigrane la culpabilité de l’ancien pauvre qui se matérialise de façon masochiste dans la façon dont Rocky est malmené au cours du film que ce soit par Hulk Hogan mais surtout bien sûr par son nouveau challenger Clubber Lang interprété avec rage par un Mister T charismatique , ancien videur et garde du corps que Stallone propulse à l’écran dans ce qui sera son premier rôle.


Clubber Lang est le côté obscur de Rocky! Lui aussi vient de la rue, mais là ou Apollo Creed était un antagoniste Lang lui est littéralement un ennemi. Il vient » d’en bas » et réclame sa part du rêve américain mais il n’est pas la figure positive qu’incarnait Rocky, il est une menace pour l’ordre établi. Il ne veut pas simplement « y arriver » mais il veut PRENDRE ce qui appartient aux autres. A travers Rocky celui qui vit dans l’opulence est perçu comme méritant – après tout nous avons été le témoin de son ascension – cette inversion des perceptions épouse le changement politique qui balaie les États-unis depuis l’élection de Ronald Reagan deux ans plus tôt. Lang , un black perpétuellement enragé, incarne aussi une vison que commence à avoir la classe moyenne blanche de la jeunesse afro-américaine dont la culture urbaine l’effraie. En la matière Clubber Lang est un avatar prophétique de Mike Tyson. Apollo Creed devient par opposition une figure positive celle du noir respectable qui, devenu riche, adopte tous les codes majoritaires et devient un pilier de l’establishment. Certes il ramène Rocky à la source dans les milieux populaires pour y retrouver le fameux « Oeil du tigre » mais la communauté noire dans lequel il le plonge est une version idéalisée, elle travaille dur mais ne revendique rien , d’abord inquiétants ils assistent Rocky pour retrouver son Olympe.


Stylistiquement aussi Rocky III marque un tournant puisque Stallone reprend au vétéran John G. Avildsen les rênes de la mise en scène rompant avec le naturalisme « social » qui faisait de Rocky un film pleinement ancré dans le cinéma des années 70 pour entrer dans la décennie plus clinquante des années 80 celle du clip , du culte du corps et de l’émergence de ESPN (chaîne du câble consacré au sports). Le changement se reflète sur le physique même de l’acteur, oubliée la lourdeur pataude de la « fausse patte » place à la statue grecque bodybuildée. Même si Sly dit maintenant (dans l’excellente interview accordée à Robert Rodriguez pour la collectionThe Director’s chair) que ce nouveau physique était censé refléter la vanité qui s’était emparée de Balboa , son parcours de ces années de gloire (divorce, remariage avec Brigitte Nielsen, rivalité avec Arnold) semble attester que cette vanité s’était aussi emparé de son créateur. Musicalement aussi les années MTV bouleversent l’univers Rocky , la fanfare et la musique de Bill Conti sont toujours là, mais Stallone fait entrer le rock FM dans la BO (ou l’on retrouve aussi une chanson interprétée par son frère Franck comme dans Rambo) avec le légendaire « Eye of the tiger » de Survivor (que tout le monde a écouté au moins une fois dans sa vie à fond avant un examen) une commande de Stallone qui n’avait pu décrocher les droits du «Another one bites the dust » de Queen.


Mais si il cède à l’air du temps ( ah cette course au ralenti et voir les deux amis s’ébaudir dans l’océan) le scénariste Stallone reste attaché à la construction d’un mythe intemporel et fait de Rocky III une saga du « Fall and rise again » ou le héros déchu de sa gloire et de sa dignité – terrible scène de l’aveu de Mickey qui lui apprend que ses autres challengers avaient été « choisis » – doit retrouver le feu sacré guidé par l’adversaire d’hier qui lui aussi a connu ce parcours. L’aspect mythologique se retrouve aussi dans la chorégraphie des combats qui ne cherchent plus un pseudo-réalisme mais qui sont des affrontements quasi-super héroïques entre surhommes. Motif narratif qu’on retrouvera à plusieurs reprises au cinéma, comme notamment dans le Dark Knight Rises de Nolan –troisième volet aussi – qui en est le parfait exemple. Stallone se permet aussi la meilleure scène de fin en dehors du premier opus avec le premier coup porté dans un dernier combat « privé » entre Rocky et Apollo dont nous ne connaitrons jamais l’issue …même si il se murmure qu’il est évoqué dans Creed. Rocky III marque un tournant dans la saga qui l’éloigne du réalisme social et du romantisme des premiers volets – sans encore basculer dans le cartoon Live du quatrième volet- et une évolution politique et stylistique de son auteur. C’est le premier film de la période qui fera de lui la plus grande star de la décennie et reste à ce jour un divertissement galvanisant un « power movie ». GO FOR IT !!!

PatriceSteibel
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le 24 août 2022

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PatriceSteibel

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