Prenant le massacre du Nankin comme décor, Zhang Yimou abandonne le temps d'un film ses magnifiques fresques historiques en costumes pour s'emparer d'une période de blessures profondes pour la Chine alors sous le joug d'une invasion japonaise inhumaine. Les premières minutes donnent d'ailleurs le ton en décrivant des officiers nippons implacables et barbares ayant réduit la ville en véritable champ de ruines. Seule semble rester debout cette église faisant office d'orphelinat où vivent des enfants qui ont perdu leur tuteur et protecteur. Ceux-ci deviendront des proies pour des militaires fatigués en quête de chair fraîche et d'innocence à arracher, à souiller.


L'arrivée d'un groupe de ravissantes femmes de mauvaise vie dans la cathédrale permet au réalisateur de poser les enjeux de son intrigue en opposant la jeunesse des enfants et l'expérience des prostituées accueillies par le nouveau maître des lieux, un pilleur de troncs américain qui, tout au long du film, trouvera la force de puiser en lui l'essence de ce qui fait, peu être pas le héros, mais du moins un sauveur.


La surveillance japonaise du lieu transformera bientôt le film en un huis-clos maitrisé et sous tension. Une première irruption sauvage matérialisera la menace et les véritables intensions japonaises, avant qu'un colonel n'habille ses noirs desseins d'un raffinement et d'une culture de façade.


Zhang Yimou alterne dans sa réalisation une photo aux tons chauds pour son huis-clos et le grisâtre des scènes de guerre en caméra portée pour mieux opposer les contraires. Comme au sein de son église où sont obligés de cohabiter sous l'influence de Christian Bale de jeunes orphelines réticentes et des prostituées extraverties et hautes en couleurs. D'abord difficiles, les relations s'attendriront et transcenderont les différences de classes sociales quand il sera question de protéger l'enfance innocente et pure de la concupiscence barbare. Afin que les violences et les vies sacrifiées ne se répètent pas. Entre légèreté et tragique, comportements héroïques et violence aveugle, la réalisation magnifique de Zhang Yimou devient aussi poignante en ce que le sort réservé aux jeunes filles apparaît jusqu'au bout inéluctable.


Avant le sacrifice dont le titre se pare et le don de soi pour sauver la perspective heureuse de vies à peine écloses déjà confrontées à ce que l'âme humaine recèle de plus noir.


Sacrifices of War , tout "hollywoodisé" qu'il soit, prend appui sur un épisode tragique largement méconnu de l'histoire sino-japonaise afin de donner chair à un récit poignant, touchant, devant lequel il ne sera pas interdit de verser une petite larme, considérant l'humanité sacrifiée de ses charmantes protagonistes.


Je finirai cette critique en remarquant que ce film, une oeuvre de Zhang Yimou rappelons-le, n'a pas trouvé de distributeurs pour une exploitation en salle. Dormant depuis quatre ans dans des tiroirs obscurs avant d'enfin envisager une minable sortie en direct-to-video, ce dégât collatéral met en lumière l'imbécilité crasse du système français, toujours prompt à vomir sa comédie rance au kilomètre dans les multiplexes au détriment d'une offre "autre" qui pourrait sans mal susciter la curiosité, l'esprit de découverte et l'ouverture sur d'autres horizons, sinon culturels, au moins du divertissement.


♪ C'est ça la France... ♫


Behind_the_Mask, désabusé.

Créée

le 29 août 2015

Critique lue 1.9K fois

15 j'aime

2 commentaires

Behind_the_Mask

Écrit par

Critique lue 1.9K fois

15
2

D'autres avis sur Sacrifices of War

Sacrifices of War
Behind_the_Mask
8

Nid de poules

Prenant le massacre du Nankin comme décor, Zhang Yimou abandonne le temps d'un film ses magnifiques fresques historiques en costumes pour s'emparer d'une période de blessures profondes pour la Chine...

le 29 août 2015

15 j'aime

2

Sacrifices of War
Red_in_the_Grey
8

La pudeur chinoise

Une honte qu'un film si beau n'ait pas été distribué en France quand on voit les merdes auxquelles on a droit. Christian Bale campe ici un croquemort sans scrupule qui a pris des risques pour venir...

le 27 mai 2014

14 j'aime

5

Sacrifices of War
Paul-Atreides
7

Un film, deux lectures... plusieurs raisons de s'y attarder ?

Le film de Zhang Yimou est - comme très souvent - serti des plus grandes qualités mais aussi des plus grands défauts du réalisateur. La beauté des images, une habile direction d'acteurs, des...

le 5 nov. 2014

9 j'aime

Du même critique

Avengers: Infinity War
Behind_the_Mask
10

On s'était dit rendez vous dans dix ans...

Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...

le 25 avr. 2018

204 j'aime

54

Star Wars - Les Derniers Jedi
Behind_the_Mask
7

Mauvaise foi nocturne

˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...

le 13 déc. 2017

189 j'aime

37

Logan
Behind_the_Mask
8

Le vieil homme et l'enfant

Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...

le 2 mars 2017

182 j'aime

23