Scream Girl
6.3
Scream Girl

Film DTV (direct-to-video) de Todd Strauss-Schulson (2015)

À vrai dire je ne pensais pas que ce film allait autant m’intéresser, le pitch me semblait très bizarre et vu le manque de subtilité du cinéma de genre des années 2010 pour traiter ce type de scénario je n’étais pas hyper rassuré, cependant l’effort des graphistes sur les affiches m’ont tout de même fait tilter, ça ne pouvait pas être foncièrement si mauvais en apparence. D’ailleurs un projet médiatiquement sous-exposé et très peu distribué est plutôt bon signe niveau horror-movie, les exploitants préférant diffuser des daubes comme Unfriended ou Poltergeist.


La tendance des revivals 80's a le vent en poupe, c’est indéniable, et je dois dire que c’est une bonne chose (même It Follows avait un petit côté old school), enfin ici il n’est nullement question de rebooter du culte mais juste de se servir de sa recette, le réalisateur Todd Strauss-Shulson va s’inspirer explicitement de la saga Vendredi 13, franchise qui m’est assez sympathique d’ailleurs, reprendre ses codes pour en tirer un concept volontairement décalé et malin.
Max (Taissa Farmiga) se remet tout juste du deuil de sa mère (Malin Akerman) ancienne actrice de navets horrifiques, pour commémorer l’anniversaire de sa disparition le cinéma de quartier de sa ville diffuse son long métrage phare "Camp Bloodbath", elle s’y rend avec ses amis. Durant la séance le rideau de la salle prend feu et en voulant échapper à l'incendie ils traversent le synthétique de l’écran et se retrouvent directement plongé dans l’action du film.
Évidemment impossible de ne pas se rappeler de Last Action Hero, dit comme ça on serait limite en droit de penser que le projet n’invente rien, mais là où c’est tout aussi intéressant que le long métrage de McTiernan c’est qu’il va justement faire preuve d’audace pour ce qui est de se moquer des clichés des slashers de l’époque, ceux qui nous font identifier les caractères des personnages en un clin d’œil tellement ils sont grossiers, les marie-couche-toi-là qui crèvent en preums, les mecs beaufs, la gentillette survivante, l’esthétisme criard bourré d’artifices, le plan nichons, etc …


La vraie bonne idée de ce film c’est l’immersion au plan par plan, le réalisateur ne se contente pas simplement de créer une frontière générationnelle et contextuelle, il va coller ces visiteurs sur la pellicule, les faire participer à tout ce qu’on voit à l’écran, notamment les flashbacks en noir et blanc ou les slow motions, mais selon leur point de vue, ce qui donne des situations assez drôles, je trouve ça franchement bien trouvé (le passage du repeat/loop est d’ailleurs pas mal délirant). À partir d’un moment j’ai eu peur que les relations entre les "vraies personnes" de 2015 et les acteurs de 1986 ne multiplient les anachronismes pour générer des gags, pour moi ce n’était pas vraiment l’intérêt, disons que quelques uns sont les bienvenus et ça passe, on sourit, mais en faire un parallèle répétitif avec par exemple les nouvelles technologies et le vintage ça pouvait très vite gonfler, mais ça n’est heureusement pas le cas. Ce qui est également plaisant c’est que l’on s’attache très vite à ce petit groupe d’intrus, et ironiquement ce sont eux aussi des clichés sur pattes, certes beaucoup moins triviaux que les autres mais tout de même, au final ça ne reste que du cinéma, presque une mise en abyme, et il faut bien avouer que l’effet de surprise est globalement le même, nul, on anticipe quasiment tout, mais on s'en fout.


En même temps le projet ne veut pas forcément jouer le réalisme, l’unique dramaturgie premier degré vient de cette jeune fille qui retrouve sa mère et tente de renouer quelque chose, et l’émotion fonctionne étonnamment bien, là aussi ça pourrait être ridicule mais Farmiga et Akerman font preuve d’implication et la situation est cohérente puisque leurs personnages ont le même rôle et la même personnalité par prisme interposé. Le truc que je n’ai par contre absolument pas compris c’était de vouloir confier le statut de survivante au perso de Paula, j’irais même jusqu’à dire qu’elle ne sert à rien, son apparition ne sonne même pas "eighties" (plutôt le stéréotype que l’on se fait de cette décennie en 2015, trop glam en plus, tendance rétro-futuriste), de même de manière globale je pense que la notion de transposition codifiée ne va pas assez loin, de par les décors, les maquillages, les costumes, les attitudes, la composition musicale, trop peu de meurtres (d’habitude ils se font zigouiller les uns après les autres, Jason bis n’est pas assez présent) etc, il y a des efforts indéniables mais ça manque de quelque chose. Pour avoir maté un bon nombre de navets des années 80 l’atmosphère n’est pas autant léchée, c’est même ici presque trop bien réalisé, il manque ce petit côté dégueulasse qui donne tout son charme au format, le détail qui tue, sans compter que le combat final est bien trop expéditif alors que dans un slasher ça dure des plombes, et c’est ça qui est bon, dommage.


Concernant la dernière séquence je suis partagé entre un sentiment de pure logique conceptuelle via le double feature proposant directement la suite du premier volet (mentionné à l’entrée du cinéma de quartier), c’est encore une fois malin, mais le contenu n’a pas de sens puisque les autres personnages sont morts dans le film (je rappelle : l’un est entaillé et écrasé, les deux autres carbonisées), ou si c’est un délire de remise à zéro le mec ne devrait pas porter une cicatrice improbable. En plus la situation apparait pour le coup comme volontairement parodique en appuyant les clins d’œil matériels, on n’est presque plus dans un film mais dans un happening final.


Enfin franchement je dois dire que ce The Final Girls m’a globalement emballé, c’est une réelle proposition, alternant le décalage, le fun, l’émotion et les références, tout ça avec passion, on sent que le réalisateur s’est amusé et du coup c’est communicatif. Il y a certes des défauts par ci par là, le contrat aurait pu être bien mieux rempli, mais force est de constater qu’on passe un moment sympathique et ça serait presque irresponsable de bouder son plaisir en ces temps de vaches maigres d’un genre qui peine à se renouveler. De bonnes surprises comme celles ci j’en redemanderais tous les jours, ou plus raisonnablement tous les ans.

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le 13 oct. 2015

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JimBo Lebowski

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