Une flamboyante jeune femme répondant au nom de Nomi Malone débarque sur les routes en destination de Las Vegas dans l'espoir de faire carrière en tant que danseuse. Au cours de son aventure, elle rencontre Molly sa meilleure amie, une costumière; James, un chorégraphe persuadé de son talent; son patron Kyle et sa compagne, vedette du territoire miné, tous deux extrêmement attirés par elle.
Sa réussite dans le monde du spectacle cause parallèlement sa perte.


Le cinéaste Paul Verhoeven, adulé par le public pour son dernier film Basic Insctinct (1992) avec la sulfureuse Sharon Stone et le charismatique playboy Michael Douglas, a tout pour grimper les marches vers un potentiel apogée, du moins commercial. Très peu de temps après, c'est Showgirls (1995) qui sonne son retour sur le devant de la scène. Une comédie dramatique en apparence.
Lors de sa sortie, le film est attaqué de toute part, une incroyable polémique est lancée en accompagnée de critiques virulentes. Incompréhension et rejet critique et public. Les conséquences sont désastreuses : 38 millions de dollars rapportés pour un budget de 45 millions, nominations aux Razzie Awards pour les deux acteurs principaux (Kyle MacLachlan et Elizabeth Berkley) et surtout celui du réalisateur, la carrière de la jeune actrice est avortée, désirant pourtant changer son image de jolie poupée et de fille sage à travers ce long-métrage.


Les années 1990 opèrent une transition de plus en plus télévisuelle et formatée, visant en particulier le jeune public. Rassembler des spectateurs en salle est un risque supplémentaire à garantir. Les films policiers ou thrillers de bonne facture (Bone Collector) ou peu notables (Sliver, Traque sur internet) suffisent à me distraire. Les quelques exceptions, classiques et pépites indépendantes, nous sauvent de ce néant (Forrest Gump, Velvet Goldmine, Le Dernier des Mohicans, Funny Games, Reservoir Dogs...) mais soyons francs, beaucoup d’œuvres s'égarent, en passant par ce monde de la télévision qui ne cesse de se développer en téléfilms perdants de leur attrait d'autrefois et séries de jeunesse d'animation ou de fiction. A l'égard de Showgirls nous pouvons éprouver un refus presque catégorique en raison de son échec. La curiosité est ici le seul moteur à la découverte.


Difficile de trancher entre aimer ou détester cette oeuvre d'une justesse intéressante. Ce film n'a rien de pornographique ou de vulgaire, tant à la réalisation pas si attachée que ça aux courbes sensuelles des femmes et à leurs poitrines, et tant à leur comportement tout à fait mesuré d'une séduction innée. Il n'est pas spectaculaire dans ces shows par son jeu volontairement kitsch. Le trop plein de maquillage aux couleurs criardes (orange, rouge, paillettes...), costumes et accessoires (tissu doré, tenue de cuir, voile court transparent...) ne cachant qu'une infime partie du corps des danseuses exhibées telles des prostituées "déguisées" par l'art de la danse. Ces faux-semblants accentuent cette superficialité d'un monde en dehors de la réalité, d'une routine éloignée et de rêves dérisoires.


Les personnages enfermés dans ce cercle vicieux de gloire et d'excès (alcool, sexe, argent), sont ignorants du monde extérieur car obnubilés par leur ascension, quoique laborieuse.


D'autres acceptent leur condition constante de non changement comme une danseuse et mère de famille au sein de la troupe. Néanmoins le spectateur privé du décor extérieur des casinos, concentré alors sur les coulisses et le déroulement des situations des personnages lui permet de rester lucide.
En dépit des rêves et des déboires de chacun, le vide une nouvelle fois volontaire se fait ressentir. La réalisation vue précédemment ne se fixe pas longuement ni en gros plan aux physiques des demoiselles ni à la notoriété internationale de la ville de Las Vegas.


Venons-en à l'actrice principale Elizabeth Berkley incarnant Nomi Malone, à la taille marquée de Brigitte Bardot, à sa poitrine généreuse, ses longues jambes, souhaite rappelons-le casser son image jusque-là trop sage, notamment de la série TV Sauvés par le gong à l'aube des années 1990. Bien que son pari personnel lors du tournage de Showgirls soit réussi, à l'écran aux yeux de tous sa notoriété se dégrade rapidement et la retire définitivement d'un avenir prometteur. Belle et sexy mais pas vendue comme telle par la caméra ni en tant qu'objet sexuel et de dépravation; insaisissable ou indescriptible serait le mot juste au-delà de ses attributs physiques. Le meilleur exemple en est la scène captivante au club lors d'une danse sensuelle crescendo, pour son client et futur patron puis amant Kyle, par le biais de la séduction calculée (jeu de regards amusés, contact provocateur puis acte sexuel mimé consommé). Au premier abord elle vend un accès à son corps fort désirable, pourtant nous évitons le malaise que peut susciter la représentation de la sexualité au cinéma. En évitant le piège d'un statut de bombe sexuelle, elle est une charmeuse naïve de sa beauté naturelle sans nul besoin d'artifice. Une déesse enchanteresse.
Nommée pire révélation féminine aux Razzie Awards, Elizabeth aux lèvres pulpeuses n'a rien à envier à sa partenaire de jeu, Gina Gershon, son ennemie, à la bouche allongée et d'un sourire montant jusqu'aux oreilles. Leur relation en milieu de film lors d'une danse érotiquement las et inutile cause une perte de rythme. L'alchimie si elle existe, ne parvient pas et déstabilise.


Nous pouvons en finir avec cette simple pensée d'une oeuvre cinématographique malmenée, injustement noyée d'incompréhension, dans un tourbillon d'une société peu ouverte au débat d'un renouveau d'idées pour faire part d'une réalité abusive.
Arrivé trop tôt à son époque, Showgirls se sauve d'un succès vidéo (100 millions de dollars de bénéfice) et renaît des décennies plus tard d'un statut de film culte et de chef-d'oeuvre.
Le temps écoulé offre au film un rendez-vous manqué en 2016, grâce à une version restaurée sortie en salle et d'une diffusion sur la chaîne Arte France début 2018.


En conclusion :
Négatif :
-Film sous-estimé sans être parfait,
-Vision d'une société abusive dans l'excès, d'un monde superficiel et sans âme incomprise par la critique,
-Actrice (Elizabeth Berkley) injustement détruite (http://www.senscritique.com/liste/Ces_acteurs_ou_actrices_qui_auraient_pu_etre_des_stars_holly/1491542),
-Relation ambiguë entre Nomi (Elizabeth.B) et Cristal (Gina.G) sans intérêt hormis une minime rivalité nécessaire au scénario.
-Personnages secondaires effacés (Cristal, James, Molly)


Positif :
-Succès en vidéo : plus de 100 millions de dollars,
-Film > culte,
-Elizabeth Berkley
-BO
-Meilleures critiques aujourd'hui ("nanar au chef-d'oeuvre")
-Ressorti en salle en version restaurée
-Nouvelle BA (personnellement mitigée) : https://www.youtube.com/watch?v=n_EiSpPjOFM

Pauline-Sapis
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le 28 nov. 2016

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Pauline S.

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