Depuis Prisoners, Denis Villeneuve est un réalisateur qui me fascine. Je suis sorti déçu d'Incendies, mais avec Enemy, il a mis mes neurones en souffrance. Sa manière de filmer, tout en créant une atmosphère particulière, procure diverses sensations et on sort rarement indemne de ses films. Ce sera encore le cas avec Sicario, un thriller étouffant dans les arcanes du trafic de drogue.


Après la découverte de cadavres dans une maison située dans l'Arizona, l'agent du FBI Kate Macer (Emily Blunt) se voit proposée d'intégrer un groupe d'intervention emmené par Matt Graver (Josh Brolin). Ils doivent se rendre au Mexique pour une mystérieuse mission, encadrés par des marines ayant servi en Afghanistan et un ancien procureur mexicain Alejendro (Benicio Del Toro).


Tout commence sous le soleil d'Arizona, avec une opération du FBI emmenée par Emily Blunt secondée par son ami Reggie (Daniel Kalluuya). Cette scène est nerveuse, on retrouve la patte Denis Villeneuve, avec ses plans aériens sur la maison et ses environs, puis cette immersion dans l'action. On est déjà pris dans le film, nous sommes dans les pas d'Emily Blunt. Comme elle, on n'a aucune information et on ne connait pas ses nouveaux partenaires Josh Brolin et Benicio Del Toro. On avance en terrain inconnu et plus précisément en direction de la "bête" Juarez. Une ville mexicaine, proche de la frontière américaine où les cartels font la loi.
On est de nouveau mis sous tension. La découverte de cette ville à travers des plans aériens magnifiques et les vitres du véhicule conduisant Emily Blunt est violente. On est mis en condition par une musique lancinante, accentuant le sentiment d'oppression qui nous étreint depuis les premières minutes du film.


Cette première heure est magistrale. Denis Villeneuve maîtrise aussi bien les grands espaces, que confinés. Les scènes d'actions, que les moments d'intimité où de dialogues. Il alterne cela avec aisance, mais sans jamais desserrer son étreinte psychologique. On est en apnée, avant de remonter à la surface, de reprendre son souffle et de replonger à nouveau, plus en profondeur. A la différence, que la tension baisse d'un cran et même si certaines scènes sont encore saisissantes, il manque la touche de son réalisateur.
On a l'impression de ne plus être dans une oeuvre de Denis Villeneuve, mais dans une de Kathryn Bigelow. Pas que cela soit une mauvaise réalisatrice, mais le film devient plus américain, avec l'héroïsme en moins, au moins ça. Le récit devient linéaire, les zones d'ombres disparaissent et on est moins bousculé. Cette immersion avait un côté documentaire captivant, le casting est parfait, puis il y a ce père de famille et policier Silvio (Maximiliano Hernandez), que l'on voit furtivement, sans connaitre son rôle dans cette histoire. Le film est-il parti trop fort ? Surement, dès que les dominos tombent, cela devient moins prenant et plus classique. Le scénario de Taylor Sheridan, s'essouffle en devenant une simple histoire de revanche.


Emily Blunt est éblouissante face à ces hommes sans scrupules. Son sens moral est mis à rude épreuve, la limite entre le bien et le mal devient de plus en plus flou. Pour qui travaille-t'elle vraiment ? Qui sont Benicio Del Toro et Josh Brolin ? Qui est l'ennemi ? A qui doit-on faire confiance ? Tout se bouscule dans son esprit, comme dans celle du spectateur. On est avec elle, on est dans sa tête et on va se perdre dans le territoire des loups. C'est vraiment dommage que la deuxième heure soit moins éprouvante.


Après Enemy, Denis Villeneuve avait une nouvelle occasion de sortir une nouvelle oeuvre fascinante. Cela reste un excellent thriller, dont le personnage interprété par Benicio Del Toro, devrait avoir son propre film. Cela démontre à quel point, il est fascinant et troublant. Plusieurs images restent en mémoire, c'est la force des plans de Denis Villeneuve, un réalisateur devenu incontournable.

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le 8 oct. 2015

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Laurent Doe

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