Dans les rues de New-York, la foule passe sans remarquer les quelques vagabonds tentants de faire l'artiste, histoire de récupérer quelques billets. Parmi eux, un peintre dressant des portraits des passants voulant bien prendre le temps de s'asseoir à ses côtés. Le soir, il est le témoin du meurtre d'un homme accompagné de sa fillette. L'artiste recueille l'enfant et tente de retrouver sa famille mais le temps passe et il va devoir vivre avec elle quelques jours. S'ensuit une déambulation dans le New-York des sans abris, des désaxés, paumés et laissés pour compte. Ainsi, le film est plus une succession de « moments » qu'une histoire au sens classique.

Dans un noir et blanc empli de poésie et de mélancolie, Charles Lane signe un film profondément original. On pense évidemment au Kid de Chaplin pour la relation imprévue entre un vagabond et un enfant, mais on se rappel aussi le très beau Alice dans le villes de Wim Wenders. Entièrement muet à l'exception de la toute fin (il n'y a même pas de cartons pour faciliter la narration), le film recherche constamment à reproduire la magie du cinéma des origines : celle d'un cinéma maîtrisant complètement son langage, l'image, pour exprimer des choses profondes. Comme un poète exprimerait de grandes choses avec des mots simples, Charles Lane dresse un portrait fin et sensible de l'époque avec une simplicité confondante. Il alterne scènes humoristiques et tristes avec une réelle inventivité pour donner un cachet unique à son film et réussit à offrir son regard sur le monde tout en conservant une économie de moyen.

Sidewalk Stories, c'est l'histoire des laissés pour compte, de ceux que l'on ne voit pas dans les rues et qui tentent de s'en sortir avec leurs moyens, de ceux qui fuient la police par réflexe, de ceux que l'on rejette dans les lieux publics sous des prétextes fallacieux. C'est aussi un film sur les inadaptés à l'image de cette scène où l'artiste refuse de profiter de l'hospitalité que lui offre la jeune femme dont il vient de tomber amoureux parcequ'il ne s'estime pas à sa hauteur, lui que l'on a plus souvent rabaissé et rejeté qu'aimé. C'est aussi un film qui croit que tout est possible, que l'amour peut s'affranchir des différences et que la solitude n'est jamais une fatalité. Sans doute le résultat est-il parfois maladroit, tant dans son discours que dans son exécution, mais il est d'une si grande sincérité et humanité que cela rajoute au côté instantané, « dans l'urgence » du film et le rend extrêmement attachant.
ValM
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le 20 oct. 2014

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ValM

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