Society
6.4
Society

Film de Brian Yuzna (1989)

A ce que l’on dit, Brian Yuzna aurait aimé devenir peintre avant de devenir réalisateur pour le cinéma. Cela pourrait expliquer qu’il se soit autant inspiré des œuvres de Salvatore Dali pour orchestrer ses déformations physique protéiforme que l’on doit aux effets spéciaux de Screaming Mad George. Cet amour dévolu pour le gore jalonne d’ailleurs l’ensemble de sa filmographie souvent tournée vers la body horror de sa réinterprétation du mythe de Faust au sadomasochisme du Retour des Morts Vivants 3, des rituels païens de Silent Night Deadly Night 4 qui ne proposait même pas de père noël tueur jusqu'à The Bride of Re-Animator qui permettait une fois encore de réveiller les morts pour en faire des greffons destinés à créer de nouvelles espèces. Le Dentiste 1 et 2 partagent également ce fétichisme crasse qu’il convient d’assainir et d’extraire à la roulette ou au bistouri. Il est possible que l’on doive cette déviance au contact de son ami et collaborateur Stuart Gordon pour lequel il avait d'ailleurs produit la plupart des adaptations Lovecraftienne au côté de Chales Band le papa de la Full Moon Features (anciennement Empires Pictures) . Ce dernier avait également produit TerrorVision de Ted Nicolaou quelques années plus tôt avec lequel il partage ces pratiques d’échangisme fusionnel et sirupeux dans le lit des parents.


Une chose est néanmoins certaine, c’est que Society ne fût pas très bien accueilli lors de sa sortie aux Etats-Unis, le film mettra d’ailleurs pas moins de trois ans avant d’être distribué, ce qui peut tout à fait se comprendre puisqu’il délivre une charge politiquement incorrect adressé aux élites bourgeoises du pays. Enfin si le film aura autant marqué les esprits, c’est justement pour la folie débridé de sa dernière partie filant la parfaite métaphore de l’anthropomorphisme séant de ces WASP qui ponctionne et suce la moelle épinière des petits prolétaires avant de s’adonner à des orgies où l’inceste n’est pas seulement que suggérer pour reproduire cette race de pure sang dont il faudrait perpétuer la lignée pour continuer de dominer la société. Le sexe devient alors une véritable ignominie, une pratique perverse et écoeurante qui n’a plus rien de jolie ou d’excitant. Les corps fusionnent et deviennent malléable à merci ce qui permet d’engloutir son partenaire et donne des visions cauchemardesque et nauséeuse de sécrétions hormonales, de sueurs, de réductions d’êtres humains, d’organes entremêlées et de tête de cul. Pourtant, Society ne laissait pas forcément présager un tel final au vu de son intro pastiche des vieilles sitcoms abrutissantes des années 80 affublé de dialogues creux et d’interprétations sans consistance. Mais c’est aussi ce qui sert subtilement son propos, sorte de portrait dressé au vitriol du consumérisme américain porté par près d’une décennie de Reaganisme. Et pour cela, Beverly Hills était l’environnement parfait pour mettre en avant le culte de la superficialité, de l’apparence, de la richesse et de la popularité comme simple critères de réussite et d’idéal à porter pour accéder à cette caste de privilégiée qui juge la valeur d’un individu à ses origines sociales. Au milieu de tout ça et de ces problématiques de blanc friqué du genre « quelle robe vais-je porter au prochain bal de promo ? », le jeune Billy peine un peu à trouver sa place en pleine crise d’ado. Il fait des rêves troublants et ce de manière récurrente qui soulève un complexe oedipien refoulé dans son for intérieur. S’il est normal de rêver de le faire avec sa mère au moins une fois dans sa vie (hein pas vrai les gars que c’est normal ?), il l’est déjà un peu moins d’être à ce point obsédé par la consanguinité jusqu’à aller mater les seins de sa sœur pendant ses ablutions. Le doute est néanmoins permis lorsqu’un camarade de classe va lui faire écouter un enregistrement compromettant où on entend des halètements et gémissements entre les membres de sa famille à l’une de ces fameuses réunions semblable à des rites d’initiation pour intégrer la jet society. Dès lors, il deviendra difficile de démêler le vrai du faux, entre ce qui relève de la réalité ou bien du pure fantasme d’un esprit dérangé à mesure que les hallucinations vont venir envahir le quotidien ce qui va d’ailleurs pousser Billy à consulter un psy. Pourtant la disparition de son cercle d’amis victimes d’accidents violents dans leurs investigations ne feront qu’accentuer ses délires paranos et complotistes et ainsi renforcer son état de déni.


Society évoque donc la sexualité débridé de l’adolescent alors en plein chamboulement hormonale, que ce soit par le surgissement de séquences oniriques que par le culte du corps véhiculé par ses protagonistes qui s’abandonnent aux petites sauteries dans un second degré parfois grand guignolesque où les rapports de domination et d’asservissement sont souvent inversés, des gouttes de crème solaire aspergés sur le visage de Billy par sa petite amie qui le fait autant pour rigoler que pour affirmer sa position, que la prise de force de ce dernier face à son ennemi juré qu’il pénètre de son poing pour l’énucléer et le retourner comme une vieille chaussette. Brian Yuzna tient également à montrer que le fric et le succès finit par pervertir les gens comme le relève les changements troublant de personnalités et de comportements à la manière du traditionnel Body Snatchers. La spoliation des corps devient en quelque sorte l’ultime forme de matérialisme : du mobilier humain au collagène servant de cure de jouvence ou bien des attributs physique servant d’accessoires de mode comme ce vilain grain de beauté absorbé par le maître de cérémonie. Plus qu’une vision satirique, Society prend la forme d’une fable dégénérative où le pouvoir et l’argent permettent d’accéder à la libre satisfaction de ses pulsions les plus obscènes au détriment des petits de ce monde qui partageront toujours le point commun de se faire enfiler par un plus gros poisson.

Le-Roy-du-Bis
7
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le 8 mars 2024

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