A chacun sa façon d'annoncer l'apocalypse. Chez Jeff Nichols, la Cassandre des temps modernes est un homme comme tout le monde, soudain en prise avec des visions cauchemardesques.

Quatre ans après Shotgun Stories, Nichols retrouve son acteur Michael Shannon pour son second film. Une sorte de transformation pour un réalisateur dont le premier essai avait été acclamé par la critique. Encensé une nouvelle fois, son film est un bijou représentatif de ce cinéma indie made in US que l'on aime. Les thèmes fétiches de ce genre à part se retrouvent, à travers cette famille "comme les autres, mais pas tout à fait quand même" et les épreuves qu'elle devra traverser.

Nichols tire parti des paysages grandioses que lui offrent à perte de vue les champs de l'Ohio. Ses cadres épousent superbement la majesté de ce panorama pour mieux se resserrer ensuite sur son personnage principal. Sa caméra se fait légère, fluide, posant des cadrages à l'esthétique travaillée.Les couleurs vives et contrastées augmentent l'impression oppressante que quelque chose va se passer, mais quoi?

Car c'est là l'une des grandes forces d'un scénario intelligent, qui fait peser le doute tout au long du film. Sans chercher à spoiler, on se contentera ici de poser la même question que le réalisateur : folie, ou vision? En laissant planer l'incertitude, Nichols renforce le malaise ambiant. La lente montée en puissance des visions s'accompagne d'autant de raisons de douter de la véracité des visions du héros, tandis que celui ci est convaincu de leur bien fondé. On ne sait donc plus très bien si l'on assiste à une plongée dans la folie ou à une chronique de la fin du monde.

Cette incertitude, Shannon la renforce en jouant un père de famille tout en nuance, à la fois certain de l'arrivée imminente de la tempête et doutant de sa santé mentale, les raisons de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre se multipliant avec le temps. Face à lui, Jessica Chastain, la révélation du Tree of life de Malick est superbe de force retenue. Leur couple a des accents de vérité qui renforcent encore l'immersion ressentie tout au long du film.

Superbe vision de fin du monde sur fond d'Amérique en crise, Take Shelter est ce que le cinéma US peut réussir de mieux, mélange de drame social, fantastique et intimiste. Une claque.
Hyunkel
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le 10 janv. 2012

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Hyunkel

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