Les 400 coups (de tatane)
A une époque où le cinéma d’action ne se résume plus qu’à à des adaptations de comics (Avengers)/jouets (Transformers)/jeu de société (Battleship) ou à des sous Jason Bourne (le récent Sans Issue) du côté yankee, et dans le reste du monde aux bessoneries d’Europacorp (la trilogie Le Transporteur) ou aux ersatz du thaïlandais Ong-Bak, c’est avec soulagement que l’on constate que The Raid renoue avec une certaine tradition du film d’action hardboiled.
Au pitch de départ minimaliste mais à l’efficacité et à la conception formelle maximales, The Raid confirme tous les espoirs qu’on avait déjà pu mettre sur son metteur en scène Gareth Evans, gallois expatrié en Indonésie, et qui avait déjà signé le très efficace Merantau dans sa patrie d’adoption. Avec The Raid, Evans passe à la vitesse supérieure dans l’action.
Partant du postulat de base voyant une escouade de policiers effectuant une descente dans un bâtiment devenu une zone de non-droit et aux mains d’un baron de la drogue, Evans va construire son film tel un crescendo dans la difficulté au combat que le jeune héros (un novice dans la police) va avoir à faire face. Cette progression va permettre un large éventail de combats différents. Débutant avec des gunfight proprement hallucinantes, se poursuivant avec un combat à l’aide d’une matraque et d’une machette, continuant avec plusieurs affrontements à un contre plusieurs ou à 1 contre 1, dans des lieux exigus ou non, pour finir sur un climax dantesque d’une lutte à 1vs2, The Raid ne lésine pas sur les possibilités quasi-illimitées en action que son postulat, ses intentions et ses moyens offrent. Imaginez donc un peu la dernière bobine de Hard Boiled de John Woo étiré sur tout un film, et qui remplacerait les armes à feu par l’art martial indonésien pencak-silat en tant que moteur principal de l’action, et vous aurez une idée de la générosité explosive de The Raid.
Mais tout ce contenu haut en couleur ne pourrait pas procurer le grand frisson attendu s’il était shooté par un aveugle. Mais Gareth Evans pense ses plans et ça se voit. Ici point de surdécoupage ou de cadrages d’analphabète de l’image, qui auraient rendus les différents combats illisibles, non. Les plans durent le temps qu’il faut pour mettre en valeur les qualités martiales de ces acteurs/cascadeurs ainsi que leur chorégraphie et les cadres adoptent le bon point de vue et la bonne échelle dans le même but. On appréciera les différentes idées formelles parsemant le film : un contre-champ ajusté sur l’impact d’une balle traversant une vitre et tuant un des policiers, une décharge d’une arme à feu éclairant au ralenti le hall sombre où les policiers subiront un guet-apens et des inserts iconiques pour surligner un mouvement de combat en particulier.
Les années 80 ont eu leur Die Hard, les années 90 leur Hard Boiled (ou Une Journée en enfer pour les allergiques au style de John Woo), les années 2000 ont eu Time & Tide et les années 2010 ont assurément leur The Raid. Et quand un film devient une référence instantanée de son genre (et même au-delà) on ne peut que se réjouir.