Avec ce nouvel opus, le réalisateur poursuit sa visite touristique de l'Europe : après avoir filmé Londres sous tous les angles (Scoop, Le Rêve de Cassandre, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu), s'être arrêté un temps en Espagne (Vicky Cristina Barcelona) et s'être attaqué à Paris (Midnight in Paris), le voilà à présent dans la ville éternelle.

Alors certes, quelques scènes font sourire (bien plus que rire), mais c'est sans passion, en véritable excursionniste, que cet Américain sillonne les circuits touristiques principaux de la capitale italienne, passant nonchalamment devant quelques-uns des chefs d'oeuvre architecturaux romains, en oubliant la plupart (comme le Panthéon, la Piazza Navona, la Villa Médicis et n'osant pas même franchir la frontière, pourtant proche, qui sépare l'État italien du Saint-Siège). Il donne ainsi une vision convenue de la ville, semblant même s'excuser de ses oublis en faisant régulièrement s'extasier ses personnages ("What a wonderful city !", "How beautiful !"), ou en arpentant de-ci de-là quelques ruelles plus discrètes, aux teintes, certes délicieusement méditerranéennes, mais tellement propres et nettes qu'on pourrait croire le film tourné en studio.

Et devant cet étalage de banalités, on ne s'étonne presque pas de trouver la belle Pénélope Cruz grimée en call-girl italienne, et dont on peut saluer le bel effort d'accentuation. Car n'en déplaise à nos amis d'outre-Atlantique, l'Italie et l'Espagne ne parlent pas la même langue, même si Woody Allen semble s'en amuser lorsqu'il ânonne un vague "Gracias".

Le film suit - de façon encore une fois, très habituelle - plusieurs couples dans leur vie romaine : de la jeune fille américaine tombée éperdument amoureuse d'un Italien, à leurs parents respectifs, d'un couple de jeunes Italiens un brin coincés au couple de jeunes yankees venus étudier l'architecture, en passant (pour faire couleur locale) par la famille lambda d'Italiens middle-class, dont le pater familias est campé par le double européen de Woody Allen, le très savoureux Roberto Benigni.

Sans finesse aucune, avec une volonté d'humour absurde qui fonctionne assez difficilement, le cinéaste insère à renfort de grosses ficelles des éléments perturbateurs dans cet ordre des choses. Roberto Benigni devient du jour au lendemain la figure la plus célèbre de Rome, le jeune Italien coincé est découvert par sa famille en flagrant délit avec une call-girl tandis que sa jeune épouse, perdue dans Rome rencontre son acteur préféré et ne résiste pas à la tentation de le suivre dans sa chambre d'hôtel. Le jeune architecte tente de lutter contre ses sentiments naissants pour la meilleure amie de sa femme, mais est sans cesse confronté à la réalité par un architecte moins jeune qui joue le rôle de sa conscience... Et puis bien sûr, Woody Allen, l'Américain raté, toujours hypocondriaque, toujours volubile, toujours lâche, toujours engoncé dans sa vision obtuse des choses découvre avec merveille que le père de son futur gendre a une voix exceptionnelle et fait tout pour le faire chanter sur les plus grandes scènes du monde.

Seulement voilà, n'est pas Voltaire ou Montesquieu qui veut l'être. N'est plus même Woody Allen qui veut l'être ! Et aujourd'hui le réalisateur de To Rome with Love n'a définitivement pas le talent de ces grands, en matière de conte philosophique. D'ailleurs, invariablement, ses films se concluent par un retour à la normale, et To Rome with Love ne fait pas exception : Benigni redevient un rien du tout, le couple coincé et le couple d'architecte se rabibochent, l'expérience de chanteur d'opéra lancée par Woody Allen est très vite avortée, et comble du happy ending, la jeune Américaine et le jeune Italien rêvent d'un mariage Piazza di Spagna... Bref, Woody Allen se contente de secouer un peu les événements avant de les reconstituer. Un véritable révolutionnaire en somme, dont les films ne disent plus grand-chose et ne délivrent plus aucun message.
SDLG
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le 12 janv. 2014

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