Suite au succès critique et public de Quasimodo, produit en 1939 par la RKO Radio Pictures qui reste, à mon humble avis, la meilleure adaptation cinématographique du roman de Victor Hugo, l'acteur-réalisateur William Dieterle fonde sa propre société de production et s'attèle à la réalisation de Tous Les Biens De La Terre, scénarisé par l'auteur du roman original.
Sorte de relecture du conte où apparaît le personnage de Faust, All That Money Can Buy (titre original) narre l'histoire de Jabez Stone, un fermier malchanceux en affaire qui décide de vendre son âme au diable contre sept année de chance et de prospérité. Devenu richissime, arrogant, égoïste et s'adonnant au capitalisme le plus outrageux qui soit, Stone commence néanmoins à éprouver des remords quand le contrat arrive à son terme fatidique...
Avec un sujet qui n'a pas pris une ride quant à la maladive avidité financière de certains, Tous Les Biens De La Terre reste un métrage résolument moderne et anti-capitaliste qui injecte une forte dose de folklore politique à l'ensemble, personnifiée ici par le sénateur Daniel Webster, futur candidat à la Présidentielle. Entouré des excellents Joseph August à la direction photo, Robert Wise au montage et Bernard Herrmann pour une partition musicale un brin expérimentale qui lui valut un Oscar en 1942, William Dieterle crée le métrage quasi-parfait doté d'un casting hors-pair où Walter Huston (papa du célèbre John) est formidablement intense dans le rôle du diable. Secondée par Simone Simon en tentatrice ouvertement perverse, le duo qui symbolise les méfaits du capitalisme outrancier est réellement effrayant.
Malheureusement, James Craig, qui incarne le rôle principal, fait bien pâle figure face au prestigieux casting qui l'entoure. Son jeu délibérément théâtral gâche souvent le métrage qui aurait pu et aurait dû être un chef-d’œuvre absolu et qui ne reste, ce qui n'est déjà pas si mal, qu'un très bon film.
Tous Les Biens De La Terre fit un flop lors de sa sortie et ruina la réputation de Dieterle durant quelques années. La RKO remonta alors le film en l'expurgeant de 21 minutes et en le titrant The Devil And Daniel Webster lors de ses diffusions à la télévision. Depuis, la version intégrale est fort heureusement réapparue lors de ses différentes éditions en DVD et Blu-ray.