Au début du film Depardieu est là, l'acteur, interrogé par des journalistes. Il dit qu'il déteste son personnage et que c'est pour cela qu'il le joue bien. Il marque sa différence. Mais quand on le voit assis sur sa chaise, le souffle court, la voix rauque, quasi obèse, on voit en lui le monstre, Barbe Bleue, qu'est DSK, avec son appétit sexuel et sa force massive.
Qui d'autre que Depardieu aurait pu incarner cette figure d'homme déchu, lui qui a connu la déchéance, physique, et morale. Lui qui est allé serrer la main de Poutine sans l'ombre d'une gêne, lui qui s'est comporté en acteur vulgaire, qui s'est vautré dans la provocation, bien loin de la finesse qu'il avait pourtant acquise avec son rôle de Cyrano, lui qui était parfois ce poète sensible qui cotoyait l'homme si grivois. DSK lui colle à la peau, avec cette vulgarité monstrueuse, mais on reconnait encore l'homme, l'homme et ses colères, l'homme et ses vices, l'homme et ses failles. DSK a tout perdu, comme Depardieu a perdu beaucoup de sa superbe.
Depardieu, qui se dit "fatigué de vivre", Depardieu las. C'est quelque part tout ce que le film montre tant le parallèle entre les deux hommes, DSK et Depardieu prend ici tout son sens. Pour le reste, le film s'acharne à ne montrer que la bête. Pour le réalisateur DSK est barbe bleue, ce prédateur sexuel, ce dévoreur de femmes qui se repaît de leur chair jusqu'à la lie. Le sexe, la luxure, l'impersonnalité de ces hôtels de luxe où les prostitués s'exécutent sur le lit d'un homme aussi puissant prennent toute la place dans un drame qui aurait pu être bien meilleur. L'homme est vulgaire, l'homme est sale c'est tout.
Et c'est pourquoi Depardieu, un homme qui a tout eu et qui semble tant se détester incarne si fortement son personnage, bien seul dans un film qui tourne à vide. Depardieu, malade, malheureux, gros, occulte DSK. Il est un ogre qui dévore l'écran, qui le crève encore et qui affadit tout le reste par l'immense désespoir qu'il trimballe sur ses épaules, ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
L'histoire d'un immense acteur, aujourd'hui ombre de lui-même, à l'image du film, bien fade.