L'Evangelion du "visual novel de cul japonais"

C'est toujours bizarre de se planter dans ses intuitions. En l'occurrence, en jouant à Desire : Spiral of Immorality j'avais l'impression que ce jeu se voulait comme une copie d'Evangelion : L'histoire tourne autour d'un complexe scientifique (Desire, une ile du pacifique) servant de lieux de test à des expérimentations étranges dont la moitié du personnel ignore la finalité, le tout financé par une fondation dont le but est opaque (et les actions à moitié contradictoire.)


On y joue Albert, un journaliste brun et photographe qui enquête sur les agissements de la Ner.... Fondation, et Makoto, sa petite amie, une technicienne en chef qui a des problèmes avec sa supérieur. Tout ce monde devra enquêter et coucher les uns avec les autres, notamment Albert qui aura le choix entre la petite pilote au cheveux bleus et courts, la femme forte (mais un peu alcoolique) aux cheveux longs et bleus foncés, la pilote aux cheveux courts et bleus ou cette autre qui ressemble.... littéralement à Jean et Nadia (de Nadia et le secret de l'eau bleue) mais avec les cheveux verts et le teint bronzé.


Et en fait non : Desire est sorti le 22 juillet 1994 sur PC-98 et les premiers épisodes d'Evangelion ne seront diffusés qu'en septembre 1995. C'est surtout que si la version PC-98 avait un graphisme assez différents, la version Saturn et PC (celle sur laquelle j'ai fait le jeu) sortie en 1997 a connu un redesign très Gainax de l'ensemble.



Une déconstruction dans le Gameplay :



Desire est un Visuel Novel du genre "Kinectic", c'est à dire un jeu où tes choix n'auront aucune influence sur la trame de l'histoire. Ce qui est intéressant, c'est qu'il en joue : en effet, dans la première partie nous voyons toute l'intrigue sous les yeux d'Albert et il y a un côté point-and-click bien plus poussé : on aura le choix des lieux dans lequel on va, ce qu'on y fait, l'ordre dans lequel on souhaite poser des questions aux gens.


Aucun de ces choix n'aura d'influence sur l'intrigue et nombreux sont les moments où j'ai été bloqué parce que je n'avais pas fait une action qui allait débloquer la suite de l'intrigue. J'ai fait des aller-retour interminable entre les 5 lieux proposés (l'hotel, le hangar, la plage, le centre de recherche, l'infirmerie, ...) avant de trouver qu'il y avait une minuscule option où j'avais oublié de cliuer. De façon intéressante, le jeu s'amuse avec ça et nous propose des actions sans conséquences mais purement stupides : grimper à un cocotier, s'amuser à courir sur le tarmac de l'aéroport ou nous offrant la possibilité de faire des canulars téléphoniques. De même on peut regarder avec insistance la femme qui nous fait face, amenant à ce qu'Albert fasse une remarque de dragueur. Et au fond cela s'accorde avec le caractère du personnage, insouciant et dragueur. Et évidemment, Albert couche avec une fille dès qu'il en l'occasion, le jeu nous obligeant limite à cliquer sur la case "calin".


A partir de Makoto, le jeu devient plus "carré" supprimant la possibilité de regarder les personnes, nous guidant bien plus sur les lieux dans lesquels aller et laissant finalement très peu de possibilité. Ce qui s'accorde d'une part avec son caractère plus sérieux et réservé et au fait qu'elle va "subir" les événements plus qu'autre chose. Puis pour les personnages suivants, le jeu ne s'embête plus, c'est juste des lignes de dialogues et des cutscenes.



Du cul pour le cul ou du cul pour l'intrigue ?



Bon, posons directement le truc qui fâche : c'est un jeu de cul. Et je ne sais pas s'il s'agit de ce genre de Visual Novel qui a injecté du sexe dans son intrigue (jusqu'au début des années 2000 le genre était essentiellement du hentai, sinon, ça ne se vendait pas) ou si ce sont des auteurs de VN de cul qui se sont dit qu'ils allaient mettre la barre bien plus haute que les autres productions. Parce que Desire tranche COMPLÈTEMENT avec ce que les autres VN proposaient à l'époque.


Ça commence par le côté visuel qui est le truc le plus BEAU auquel j'ai jamais joué jusqu'ici. Alors oui, c'est une version remastérisée par rapport à la version 1994, mais pour un visual novel, qui plus est de 1998, c'est du grand luxe : art-work de qualités, voix totalement digitalisées, cinématiques sous formes de dessins animés, dialogues avec les bouches des personnages qui bougent, c'est impeccable. Cerise sur le gateaux : l'OST est particulièrement bonne.


Mais il y a de l'ambition au niveau scénario aussi. Alors, certes, c'est du cul raconté de façon maladroite et on échappe pas à tout un tas de clichés ultra-malsain (notamment la pauvre Makoto) mais comparé à la masse des autres jeux qui alignaient les aventures lycéennes sans queue ni tête ou des enfilages de fantasme comme autant de perle, ça change grave. Y a même une amorce de début de réflexion sur la sexualité et c'est agréable de voir des personnages qui sont tous adultes dans leur tête.


Notamment le fait que les agissements d'Albert dans la première partie, a laquelle le joueur "participé" en ne se montrant pas choqué (après tout c'est un VN de cul, on couche avec plein de personnages) vont pousser Makoto a partir dans les bras de Kyle, celle-ci ayant assez mal digéré qu'il la trompe.


Après, le jeu n'échappe pas à deux trucs malsains. Le premier c'est que l'intrigue tourne autour d'une petite fille mystérieuse qu'Albert sauve sur la plage et de laquelle il devient le protecteur, voire le père de substitution. Dans un autre contexte j'aurais pas eu de problème, mais le fait que ça soit dans un jeu de cul m'a fait lever les sourcils. Tu peux difficilement regarder les scènes de baignade sur la plage en te disant "non, mais c'est innocent" (ce que le jeu te dit textuellement) entre deux scènes où Albert mets son chibre dans le vagin de madames.


Ajoutez à cela que le jeu montre que la petite fille, Tina, est clairement amoureuse d'Albert et que le scénario se rapproche de territoires douteux (inceste, pédophilie) sans jamais y entrer, par bonheur. C'est même assez traitre puisque le scénario final nous amène sur quelque chose qui justifie de façon intelligente ces détails.


Au final, Tina est une femme qui passe sa vie dans une boucle temporelle de réincarnation et les remarque qu'elle fait à Albert ne sont pas lié au fait qu'il s'agit d'un crush d'une petite fille envers un adulte, mais une réminiscence de sa vie antérieure. Ce qui rend l'histoire bien plus intéressante.


Le second c'est la pauvre Makoto qui devient petit à petit le jouet sexuel de plusieurs personnes sur l'ile (sauf son petit ami attitré) J'ai cru initialement que ces passages avaient été ajoutés au chausse-pied afin d'ajouter du cul facile à l'intrigue, et certains passages le sont clairement, mais d'autres sont développés et on a clairement une histoire sur une personne qui découvre.... qu'elle aime être soumise.


C'était parfois hyper malaisant au point que j'ai mis l'avance rapide sur pas mal de ces scènes, mais je dois avouer que ça mène quelque part, et ce, bien plus que l'intrigue d'Albert (qui est juste un playboy qui drague des filles et n'assume même pas les conséquences de ses actes.) Après tout le jeu est appelé "Desire : Spiral of Immorality" et on peut pas dire qu'on nous avait pas prévenu.


La blague c'est qu'au final, le jeu aurait plutot dû s'appeller "Desire : Spiral of ImmorTAlity" mais bref.


Il est à noter qu'il y a eu un remaster sorti en 2017 sur PS Vita, PC et.... Switch en 2019. Or, connaissant la politique de Nintendo en matière de jeux de cul, je me demande s'il y a un version vanilla, consistant en l'histoire sans ses coucheries. Malgré mes recherches, je n'ai eu aucune info là dessus, à part voir que le cul est bel et bien présent dans la version PC. Il est aussi possible qu'ils aient filés un t-shirt à Tina lorsqu'elle se balade sur la plage. (Ouf.)


Au final, est-ce que je conseille ce titre ? Oui, ne serait-ce que parce qu'il tranche complètement avec ce qui se faisait à l'époque et que l'écriture est de bonne qualité. Mais sachez assez dans quel territoire vous entrez, et pour ça, je vous conseillerais sans doute une version internationale, voire le remake, plutôt que les versions gratuites trouvable sur le net.


Du reste, je suis curieux de voir ce que donne les deux autres jeux créés par le même auteur. (Qui est mort, hélas au milieu des années 2000.)

le-mad-dog
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le 4 mars 2021

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