Avec la saga Final Fantasy XIII, Square Enix s’est appliqué à développer une identité, une certaine vision de sa célèbre franchise. Chaque épisode a le mérite de prendre un angle différent, d’expérimenter plusieurs prismes de vue sur un seul et même univers, dense, singulier. Lightning Returns ne déroge pas à la règle, et profite dans le même temps de sa conjoncture apocalyptique pour régler ses comptes. Véritable pot-pourri des influences qui ont jalonné le chemin de la série Final Fantasy, la saga Lightning rend son dernier souffle dans un final plein de symboles, entre l’hommage puissant et le renouveau.
Valkyrie Lightning
« Ces paroles sont certaines et vraies ; le Seigneur Dieu, qui inspire les prophètes, a envoyé son Ange pour montrer à ses serviteurs ce qui doit arriver bientôt. » La Bible, XXII.6.
On le sait les japonais, et tout particulièrement les scénaristes de Square Enix, sont prompts à utiliser la religion comme moteur scénaristique. Si bien que l’on ne compte plus le nombre de divinités que l’on a dérouillées lors d’un combat épique. Cependant, rarement le questionnement n’a été aussi existentiel que dans Lightning Returns. La mythologie Fabula Nova Crystallis consacre ce phénomène, cet épisode en est le point d’orgue.
Ainsi, Lightning se réveille d’un sommeil long de cinq-cents ans à l’appel de Dieu, Bhunivelze. Celui-ci compte bientôt mettre un terme à l’existence de ce monde rongé par le Chaos, dans lequel le cycle de la vie est brisé suite au décès de la déesse de la mort Etro. Toutefois, il faudra à Bhunivelze des âmes humaines pour repeupler le prochain univers qu’il compte créer. Lightning se retrouve alors chargée de sauver le plus d’âmes possible dans le monde en décrépitude, afin qu’elles soient guidées vers le nouveau. En échange, si elle mène à bien sa mission dans les treize jours qui lui sont impartis, elle pourra retrouver Serah, sa sœur, morte à la fin de l’épisode précédent.
De bout en bout, Lightning Returns brasse et alimente donc les mêmes thématiques que ses aînés – la lutte contre le destin, la volonté des dieux, le rôle du passé, les relations tissées – tout en les inscrivant dans un contexte apocalyptique qui leur donne du relief. Le joueur est alors bercé par les hésitations, les doutes et les longues tirades de l’héroïne. Outre quelques fulgurances de-ci de-là dans les dialogues, le scénario ne donne pas à voir grand-chose sur le plan métaphorique qui n’ait pas déjà été vu autre part dans la production de RPG. Seulement, le récit est bien mené, évite de trop s’égarer, et surtout multiplie les parallèles à des questionnements réels, ce qui attise tout de même l’intérêt. Par ailleurs, pour peu que l’on ait été séduit par le casting et les errements vaguement philosophiques du premier opus, le scénario opère un retour aux sources des plus plaisants.
World Driven
Néanmoins, comme le font si bien remarquer les développeurs, le jus est ailleurs. Il ruisselle dans les veines qui parcourent les terres de Nova Chrysallia. Bien que le leitmotiv du bilan raisonne en permanence lorsque l’on s’affaire aux quêtes principales, lesquelles nous demandent d’aider nos anciens comparses, il ne s’agit jamais que d’un prétexte. Tous les éléments du titre tendent à faire de l’exploration et de la découverte les stars du jeu.
Par conséquent, Square Enix nous propose quatre visions de l’apocalypse dans autant de zones aux atmosphères diamétralement opposées. Si l’on peut voir cela comme un prétexte facile à l’incohérence, les scénaristes se basent en réalité sur un background plus que solide et ont réussi à façonner des environnements crédibles et fouillés.
On se laissera tantôt submerger par le vide d’un océan d’émeraude à la Xenoblade, tandis que quelques lieues plus loin, on goûtera à la grandiloquence et au spectacle débauché. Quelques interludes bercés par un blues que ne renierait pas Cowboy Bepop viendront se glisser çà et là, histoire de planer quelques instants avant la fin du monde. L’univers de Lightning Returns se situe à la croisée de tous les chemins. A la fois chantant et pessimiste, énergique et résigné, coincé en permanence dans l’étau de ses contradictions.
Une description qui sied également à merveille à l’OST du titre. Le trio dorénavant rodé de compositeurs – Masashi Hamauzu, Naoshi Mizuta, Mitsuto Suzuki – livre une partition aussi hétérogène que déconcertante, tant elle peut parfois prendre à revers le joueur. On y trouve à boire et à manger, comme sur l’opus précédent. Du headbang violent sur les percussions de la piste Chocobo metal au sifflotement dans le train d’une mélodie virevoltante qui ne veut pas quitter votre crane, cette bande son vous emmène partout et nulle part ; accoudé au comptoir dans un luxueux piano bar les yeux plongeant dans votre whisky sans fond, jusqu’au concert des mariachis dans le quartier mexicain de votre ville, les pistes de Lightning Returns seront à la fois guides rassurant et pionnières de l’inconnu.
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Mélancolique, résigné, percutant, mais également plein d’espoir pour la suite de la franchise, ce Lightning Returns achève la saga XIII de façon honorable. A la fois bilan introspectif et hommage discret à ses ainés, il n’en oublie pas moins de livrer une vision fraiche quoique terne de l’univers Fabula Nova Crystallis. Tourmenté par ses contradictions comme Square Enix lui-même l’est, Lightning Returns est un adieu provisoire. Son propos semblerait presque prophétique pour la boite : l’apocalypse est longue et douloureuse, mais l’espoir du renouveau permet de l’endurer. A bon entendeur.
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